À côté du parc Morgan, il y avait une bicyclette rouge attachée à un poteau de gaz Métropolitain sur la Catherine. Pendant des mois. Les roues ont été volées. Juste la structure de métal qui restait là et rouillait tranquillement. Quelqu'un ou quelque chose l'a tordue et ça ne ressemblait plus trop à une bicyclette. Un restaurant beaucoup trop chic a ouvert juste là. Ils ont appelé ça, La bécane rouge. C'était avant le Presse Café sur la rue Pie-IX, le building de l'American can co était même pas encore rénové, avant le 7e sur la rue Chambly et avant qu'on apprenne le mot embourgeoisement. C'est fatiguant de souffrir de quelque chose que tu peux même pas nommer.
Le soir sur la Catherine, la bécane, c'était souvent sur notre chemin. À chaque fois fallait se faire remarquer. Taper dans les fenêtres, mimer des affaires louches, roter, les envoyer chier et crier des trucs sympathiques comme Mort aux bourgeois. On grafignait leur char. On voulait s'assurer que les bourgeois décâlissent et on voulait leur faire peur. Les écoeurer.
Mais les bourgeois sont pas partis. Sont revenus avec des amis.
Dans ce temps-là la biscuiterie Viau pis Hershey, ça roulait. On fabriquait des choses ici. On était fier. Et on s'est mis à fermer les usines pour fabriquer des beaux condos à nos bourgeois. On leur ouvre des beaux restaurants, on les accommode. Ils sont fiers. Hochelaga, ça commence à être bien. Ça grouille. Hochelaga c'est rendu la place. Pis nos conditions de vie à nous autres, continuent de se détériorer.
N'empêche, la Bécane c'était un bon resto.
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