lundi 27 décembre 2010

Un hostie de beau Noël en sang

Papa était déjà saoul à midi. Maman criait après Papa parce qu'il était saoul. Le bébé braillait parce que Maman criait. Je coupais les cheveux de ma poupée en silence, bien cachée sous la table.

Maman a donné une claque dans la face de Papa. Papa a pris Maman à gorge et l'a lancée sur le mur. Maman a fait tomber le cadre avec la photo de mononc Roger. La vitre s'est brisée et Maman est tombée dessus. Son corps était mou comme de la guenille. Stéphanie la bousculait en pleurant. Le bébé s'est calmé.

-Réveille-toi Maman, réveille-toi.

Papa a pris ses clés et il est parti en nous souhaitant joyeux Noël à sa façon.

-Mangez donc d'la marde, câlisse de famille de mongoles.

Stéphanie est venue me chercher en dessous de la table. Elle sentait la pisse. Son visage était sale et ses yeux cernés. Un peu de sang séché autour du nez. Je lui ai coupé les cheveux. Au début, je coupais juste un peu, pas trop court. Je recoupais un peu plus court. Raccourcir encore un peu, égaliser. Oups! Faudrait couper là aussi. On n'entendait rien que le cliquètement de mes ciseaux. J'ai pris son toupet, l'ai enroulé autour de mon index et je l'ai coupé à environ un centimètre du cuir chevelu. Maintenant, ma petite sœur était laide. Plus personne ne la trouverait plus belle que moi.

Maman a recommencé à bouger. Elle geignait en se touchant, du sang sur ses doigts. Du sang par terre et dans la bouche.

-Cannelle. Cannelle, viens voir moman.

Quand Maman était par terre, j'avais toujours envie de la frapper. Quand elle pleurait je voulais lui cracher au visage. Quand elle saignait je voulais rire aux éclats. Si j'étais assez forte pour la trainer par les cheveux jusque dans sa chambre et ne plus l'avoir sous les yeux.

-Cannelle, pourquoi j'entends pas le p'tit? Cannelle, viens m'aider.
-J't'occupée.

Elle a commencé à pleurer pendant que je souriais. Ça, Maman, c'est pour toute les fois où toi, tu m'as fait pleurer. C'est pour toutes les claques, toutes les punitions, toutes les fois où tu ne m'as pas défendue devant Papa. Tu peux crever.

-Stéphanie? Viens voir moman.

Je lui ai donné une poussée, elle a couru jusqu'à Maman. Elles pleuraient.

Quand je suis arrivée devant le lit du bébé, il s'est mis à bouger et à rire. Je l'ai emmitouflé dans une couverture de laine bien chaude et nous sommes partis chez Mémère.

4 commentaires:

  1. j'aime ça quand t'écris.

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  2. Me rappelle une toune de Neutral Milk Hotel, une sorte de petite beauté quand même, celle de l'écriture, au milieu de la tristesse:

    "When you were young
    You were the king of carrot flowers
    And how you built a tower tumbling through the trees
    In holy rattlesnakes that fell all around your feet

    And your mom would stick a fork right into daddy's shoulder
    And dad would throw the garbage all across the floor
    As we would lay and learn what each other's bodies were for

    And this is the room
    One afternoon I knew I could love you
    And from above you how I sank into your soul
    Into that secret place where no one dares to go

    And your mom would drink until she was no longer speaking
    And dad would dream of all the different ways to die
    Each one a little more than he could dare to try"

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  3. @ scarecrowworld : C'est important de savoir ce qu'on aime dans la vie.

    @ Clarence L'inspecteur : En effet, l'écriture, ça aide à pas crever des fois. Je ne savais pas du tout qui était Neutral Milk Hotel. J'aime ça découvrir des affaires.

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  4. Texte un peu troublant. Je ne veux même pas savoir ce qui est vrai...

    Passionnant, tout de même. Merci.

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