Sinéad, j'ai envie de te parler de Mémère, elle a été obligée de se marier à quinze ans. Enceinte. À vingt-huit ans, elle avait déjà accouché treize fois. Ma mémère, elle a eu une vie d'abus, de souffrance. Une bonne journée, ma mère qui en avait pas mal dedans, a fait arrêter mon grand-père pour lui avoir cassé les palettes. Mon grand-père est parti, il a fait de la prison. Ma grand-mère a divorcé. Les voisins la jugeaient. Elle vivait avec ses cent cinquante piastres de BS et l'argent des pantoufles qu'elle tricotait. Une bonne journée, elle a décidé que les petits étaient assez vieux pour se garder et elle est sortie.
Mémère s'est remontée les totons, elle s'est cousue une mini-jupe, elle est allée au club et elle est retournée tous les soirs. Elle y travaillait en dessous de la table. Quand j'étais petite, je pensais vraiment qu'elle travaillait sous une table toute la nuit. Elle s'est mise à participer aux concours de wet t-shirt, c'était la barmaid la plus sexy malgré son âge. Elle a envoyé un gars à l'hôpital en lui cassant un cendrier de verre sur la tête parce qu'il lui avait pogné le cul. Elle disait qu'il fallait pas craindre les hommes, fallait être assez forte pour les assommer. Mais une bonne journée, la DPJ est venue chercher ma mère, ses frères, ses soeurs, parce que ma grand-mère était une femme de mauvaise vie. Ma grand-mère s'est fait dire quoi faire par les hommes, par l'église, par les services sociaux, toute sa vie.
On disait qu'elle respectait pas son corps, qu'elle s'habillait comme une pute. Ça me fait de la peine que tu penses ça d'elle et de moi, toi aussi. Tu penses qu'être une pute c'est comme être une sous-femme, pimpée d'une manière ou d'une autre, que c'est dégradant. Que les filles qui font ça nuisent aux femmes en général. Je pensais que tu étais féministe. Tu t'adresses à une jeune femme comme une mère, je te conseille de t'adresser aux gens à l'avenir comme tes égaux. Pas comme des ti-culs à qui tu peux tout montrer. Achète-toi un chien si t'as besoin de contrôler plus petit que toi.
On disait qu'elle respectait pas son corps, qu'elle s'habillait comme une pute. Ça me fait de la peine que tu penses ça d'elle et de moi, toi aussi. Tu penses qu'être une pute c'est comme être une sous-femme, pimpée d'une manière ou d'une autre, que c'est dégradant. Que les filles qui font ça nuisent aux femmes en général. Je pensais que tu étais féministe. Tu t'adresses à une jeune femme comme une mère, je te conseille de t'adresser aux gens à l'avenir comme tes égaux. Pas comme des ti-culs à qui tu peux tout montrer. Achète-toi un chien si t'as besoin de contrôler plus petit que toi.
Mémère a travaillé fort pour récupérer ses douze enfants, un à la fois. Je me souviens que je voulais des seins énormes comme ma grand-mère. Je me souviens que je la trouvais belle quand elle se préparait. Ce que tu appelles une pute, Sinéad, moi j'appelle ça une femme. Peut-être que pour toi une femme, ça doit envoyer chier les hommes, se raser la tête et vomir sur l'hypersexualisation sans pousser plus loin la réflexion. Heureusement, tout le monde ne pense pas comme toi. Tu penses peut-être que c'est pas normal pour une fille comme cette petite de se conduire ainsi. Peut-être que tu saisies mal ce que ça peut faire de commencer à travailler pour Walt Disney à quatorze ans. Tu parles à une fille dont la carrière a commencé il y a une dizaine d'années, comme si elle venait tout juste de commencer la semaine dernière. Comme si tu avais quelque chose à lui apprendre. Mais pour qui est-ce que tu te prends? Où étais-tu ces dernières années quand cette petite était exploitée par la grosse machine qui transforme toutes les petites filles en princesses roses? Quand as-tu dénoncé la vente des centaines de sous produits d'Hannah Montana au Dollorama, à la pharmacie, chez Zellers; partout? Si on fonctionne avec ta logique, t'es pour l'exploitation des enfants, mais pas des femmes, avoue que c'est pas très cohérent. Tu ne t'inquiètes pas vraiment pour cette jeune starlette. Tu lui en veux parce qu'elle t'admire. C'est le cul qui te dérange. On peut exploiter quelqu'un de toutes les façons, mais le cul c'est sale. Tu refuses d'avoir inspiré quelqu'un comme ça. Ma pauvre, c'est pas toi qui décides qui tu inspires et ce qu'ils en font avec. Tu comprends pas que t'es juste une christ de conne de plus qui essaies de dire à cette jeune femme quoi faire. Peut-être qu'elle fait ce qu'elle peut avec sa culture et ce qu'elle a eu. En publiant ce type de réflexion où tu traites une jeune femme de putain parce qu'elle ne projette pas l'image que tu souhaites d'une femme, tu n'es nullement toi-même un exemple d'empowerment pour qui que ce soit.
Tu déplores la superficialité, l'esthétisme, mais c'est toi, ma belle, qui reproches à l'autre son image. Je pense pas que ce soit la responsabilité d'une seule jeune femme de vingt-et-un ans, chanteuse populaire, de redéfinir les rôles sociaux. Sous-entendre qu'une femme ferait mieux de cacher son corps pour ne pas être objectivée, lui dire quoi faire, quoi penser, c'est l'objectiver!
Sinéad, ma grand-mère, pensait comme toi. Elle n'était pas plus ouverte et traitait de pute les filles plus dégourdies qu'elle. C'est souvent comme ça dans le milieu. La sainte nitouche traite la danseuse de putain. La fille qui fait juste danser dit que celle qui fait des pipes c'est une putain, celle qui fait juste sucer dit que c'est celle qui se fait mettre dans le cul, la putain. C'est à cause de la compétition. En traitant l'autre de pute, on s'en dissocie, mais en fait, on fait tout ça parce qu'on s'identifie à l'autre. Le déni.
Sinéad, ma grand-mère, pensait comme toi. Elle n'était pas plus ouverte et traitait de pute les filles plus dégourdies qu'elle. C'est souvent comme ça dans le milieu. La sainte nitouche traite la danseuse de putain. La fille qui fait juste danser dit que celle qui fait des pipes c'est une putain, celle qui fait juste sucer dit que c'est celle qui se fait mettre dans le cul, la putain. C'est à cause de la compétition. En traitant l'autre de pute, on s'en dissocie, mais en fait, on fait tout ça parce qu'on s'identifie à l'autre. Le déni.
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