On oublie c'est quoi la vraie vie, le quotidien, l'essentiel. Plier des vêtements, préparer un repas. On ne se vante pas de ne pas avoir fait la vaisselle depuis six mois ou de ne plus savoir combien coûtent les aliments. C'est un secret qu'on tait et on ignore son orgueil et ses principes parce que c'est bien trop compliqué de revenir en arrière. Ça deviendrait invivable, les voisins se plaidraient et ça mènerait peut-être au divorce.
On s'habitue à la bourgeoisie. La honte s'estompe, le confort s'installe. On se dit qu'on utilisera ses privilèges pour venir en aide aux autres, mais on devient vite déconnecté et étrangement on ne rencontre plus personne qui a besoin d'aide. On s'enferme dans son appart. On nettoie la terrasse et on choisit des annuelles.
On a tellement de choix. On engage une bonne, on se dit qu'on lui rend service alors que c'est elle qui nous sauve la vie. C'est elle qui pense au rendez-vous chez le vétérinaire, elle qui lave la cuvette. Mais c'est moi qu'on complimente pour la maison accueillante et décorée avec goût. On a choisi les couleurs et donné des indications. Quelqu'un d'autre s'est taché les mains.
J'ai moins de courbatures, mais plus de cernes qu'avant.
On s'habitue. On se met à prendre le taxis. Puis on a un chauffeur habituel qu'on appelle, il connaît notre vie, nous conseille de prendre des vacances. Suffit qu'il ne soit pas là un matin pour se dire qu'on devrait se payer un service de limousine. Plus fiable.
Que reste-t-il de la petite fille laide et pauvre qui se battait tout le temps. Où est la pute, la fille tout le temps gelée, la fille qui fraude la compagnie de téléphone? Est rendue où la fille cassée qui vivaient dans les acariens et la vaisselle sale? Je me lime les ongles et retourne des appels et écrit un roman pendant qu'une autre se brûle à l'eau de javel pour détacher mes serviettes sanitaires écologiques. Je soupire parce que l'eau de javel, ça me donne des vaginites. C'est du bicarbonate qu'il faut prendre...
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