La porno d'aujourd'hui, c'est l'érotisme de demain.
J'aime pas vraiment le twerk, ça m'écoeure un peu, même. C'est juste une question de goût, moi je préfère le Swing, le Jive, le Lindy Hop parce que c'est cocasse, parfois absurde, acrobatique et parfois la fille fait des moves de gars.
Quand j'étais jeune les parents et les profs s'énervaient ben gros avec la Lambada, jusqu'à l'interdire dans les danses du vendredi. Ça sexualisait les enfants. Mais on se masturbait pareil devant Dirty Dancing. Tout ce que je me souviens du cours de danse, c'est le miroir. Un grand miroir dans lequel je me regardais pendant une heure en essayant d'être sexy. J'avais cinq ans. Moi ma danse préférée c'était le striptease. Je sortais de mon garde-robe avec le babydoll rose de ma grand-mère, j'avais des gants qui allaient jusqu'aux coudes que j'enlevais lentement et je me déshabillais en chantant Sugar Town de Nancy Sinatra (la version française des Miladies). Me disais que ça serait sûrement plus facile de me rendre à Sugar Town avec un Sugar Daddy. Cette chanson est pas très sexuelle, c'est une belle histoire de drogue, mais c'est un peu pareil, c'est du cirque et moi, je la vivais comme ça. J'ai traumatisé toutes mes amies en les forçant à regarder mon mauvais numéro d'effeuillage, même que Cathy passe son temps à le raconter pour m'humilier. Fallait que je me pratique. Dans ma tête j'avais l'air de Jessica Rabbit, mais je ressemblais plus à un concours de mini miss obèse dans un terrain de camping de roulottes cheaps sur la rive-sud.
La danse
Dans le temps, le Swing pis le Jive, c'était de la musique de jeunes fous et pervers qu'on écoutait et dansait en cachette. Le déhanchement d'Elvis, la fougue de Jerry Lee, c'était juste de la dance, c'était juste un peu de Black Culture. La danse est performance, c'est un mode d'expression, le reflet d'une société, de ses désirs, de ses craintes, de ses aspirations, de sa violence, et de son injustice dans toute sa grande beauté. La danse est à l'image du patriarcat. La dance est hétéronormative, sexiste, raciste et hypersexuelle. Faut-il interdire toutes les formes de danses parce qu'elles nous montrent quelque chose que nous n'aimons pas? Toutes les danses ne sont-elles pas de la provocation? Des démonstrations de pouvoir et de soumission, des rituels de séduction? Ça ressemble à quoi, l'histoire de la danse?
Les petites filles qui veulent twerker dans leur spectacle de fin d'année ne se feraient pas emmerder si seulement elles étaient des petits gars. Protégeons ces petites filles d'elles-mêmes parce que les laisser agir en salopes ne peut que leur attirer des ennuis, c'est ça? Je sais pas. Je me demande si c'est pas une meilleure idée de réfléchir. Disons intervenir. S'éduquer un peu. C'est quoi ça du twerk, ça vient d'où? À quoi ça sert? Ça a été inventé par quel groupe social au juste? Pourquoi est-ce qu'on dénonce précisément cette danse plus qu'une autre? Pourquoi c'est toujours les cultures des noirs qu'on barbarise? D'où vient la dance et pourquoi l'utilise-t-ton dans notre société et dans les autres sociétés présentes, passées? Que souhaiter pour la dance, comment l'envisager, la penser dans le futur? Ça doit être un débat intéressant à faire avec des enfants. C'est sûrement plus enrichissant, stimulant et productif que de juste refuser de reconnaître que ça existe.
Je pense que quand on cache et on interdit ou censure les espaces où les rapports de pouvoir sont si bien représentés et démontrés, on n'est pas en train de les questionner, ni de les dénoncer réellement. On ne remet pas en question ce qu'on ignore.
Si tu as déjà dansé avec un partenaire, tu sais que c'est exactement faire l'amour. Danser pour un public c'est offrir une prestation, tenter de séduire, dépendre de la faveur. Tu peux te péter la gueule. Tu peux t'envoler. Tu sais aussi où est ta place, il conduit, tu suis. Danser c'est accepter ça. C'est accepter le rôle de la fille et s'y conformer.
L'hypersexualisation
Une fée pis moi, une fois on était dans une réunion en train d'essayer de les convaincre d'enlever le mot hypersexualisation. Genre, lutter contre l'hypersexualisation ou alors définir l'hypersexualisation comme étant quelque chose de sale et laid, a ses désavantages. On comprend que vous voulez bien faire en nous protégeant de nous-mêmes, mais c'est justement pas full empowerant (c'est pas une faute c'est le participe présent d'empowering, francisé).
Un gars qui va être député un jour m'a dit, je comprends pas ce que tu veux dire. J'ai dit ben comment tu définis l'hypersexualisation et tu la balises comment au juste? Moi je pense que je vis comme une femme normale, je suis certainement hypersexualisée selon toi, est-ce que ça fait de moi une criminelle? Une personne peu recommandable? Comment comptes-tu lutter contre moi? J'ai besoin qu'on m'encadre et me reconditionne peut-être? C'est pas un peu comme un jugement de valeur sur MA sexualité. Quand on parle d'hypersexualisation on ajoute souvent des petites filles. C'est un jugement défavorable porté sur elles en raison de comportements qu'elles adopteraient dont elles ne seraient même pas responsables puisqu'on les définit comme soumises. On compte y remédier en les soumettant à un comportement définit par je sais pas qui (n'importe qui sauf elles-mêmes) comme étant sain. C'est toujours l'hypersexualisation des petites filles qui nous intéresse, surveiller la sexualité des jeunes filles, l'encadrer, la définir, la condamner, toujours. Il a dit ok, je comprends.
Mais c'est pas tout le monde qui était d'accord. Alors quelqu'un de merveilleux a eu l'idée de reformuler ainsi et en plus ça inclut les revendications des personnes intersexes : lutter contre l'injonction à la sexualité, dont l'hypersexualisation. Ici, le mot hypersexualisation n'est plus nécessairement péjoratif et on comprend que son interprétation est plus libre, puisque c'est l'injonction qui porte l'odieux. C'est l'obligation en opposition au choix. Reconnaître le choix, c'est reconnaître la possibilité. La réalité de celles qui s'auto-objectivent et s'hypersexualisent - dans une démarche d'autonomisation - en retirent des bienfaits et peuvent par le fait même représenter des modèles de sexualités alternatives ayant un impact positif sur leur environnement immédiat et le reste de la société; sans nier la réalité de celles que l'obligation de s'y conformer offense.
Comment peut-on penser que de réprimer l'hypersexualité n'est pas pire que l'hypersexualisation elle-même? Et puis c'est quoi l'hypersexualisation? Trop de sexualité? Une mauvaise sexualité? La sexualisation c'est déjà assez effrayant quand on y pense, dans le sens d'injonction à se conformer à une définition binaire de la sexualité qui ne correspond en rien à la réalité, c'est violent en tabarnak.
Une chance que j'ai pas d'enfant. Je pense que je pourrais pas envoyer mes enfants à l'école. Et expliquer à ma fille que le règlement lui interdit de porter une camisole. Jamais. Je serais pognée à me faire élire sur le conseil d'établissement juste pour faire changer leur règlement de marde. Tout ce qu'on impose aux filles, juste parce qu'elles sont des filles. Je peux pas m'empêcher de penser à ces petites filles qui veulent juste danser. Mais si on les laisse faire, des hommes vont les regarder. Cacher-les. Faites-en de petites choses fragiles, précieuses et craintives. Des proies.
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