Ma tante Pauline a 84 ans. Elle prend sa marche à tous les jours sur la rue Mont-Royal. Elle s'occupe encore de son fils de 50 ans déficient. Elle a une mémoire phénoménale. Ma tante Pauline a eu trois cancers et a fait de la chimio pendant six mois, elle n'a même pas perdu ses cheveux. Elle ne porte pas de lunettes. On lui donnerait 55-60 ans peut-être. Elle a dit, j'vas l'acheter ton livre et ma mère lui a dit de pas le faire. Moi je pense que ma tante Pauline a fourré peut-être plus que moi parce qu'elle a quand même cinq enfants et y avait pas d'Internet et pas autant de porn alors mon oncle ti-Guy pis ma tante Pauline peuvent sûrement m'en montrer.
-Tu chantes-tu encore?
-Non... non je chante pas.
-Ben oui elle chante. Chante donc quelque chose pour ma tante Pauline, c'est peut-être son dernier Noël.
-C'est peut-être son dernier Noël depuis que je suis née.
-Envoye chante.
Ma mère veut que je chante pour pas que je parle de cul. Je l'ai fourrée, j'ai chanté des tounes de cul. Ma mère est persuadée que j'ai vécu tout ce que j'écris et que je suis quelque chose de bien triste. Quelque chose qu'elle n'a jamais su empêcher malgré tous ses efforts. Parce que c'est moi. C'est juste moi. Je suis juste comme ça. Je suis pas méchante. Pas dangereuse. Juste full sexuelle tsé. Ma mère comprend pas ça. Moi, ce que je comprends pas c'est que ma filleule de onze ans prenne des photos avec la fée clochette à Disney World plutôt que d'essayer de briser le contrôle parental sur son Ipad lui servant à jouer à des trucs tellement bébé que ça me gêne.
Moi à onze ans, je cruisais des gars de vingt-cinq. J'adore dire ça aux mamans déconnectées qui tardent à parler de sexe à leur petite. Elle est pas rendue là. C'est de valeur ma chum, mais c'est pas toi qui décides quand ton enfant est rendu là. Moi, à onze ans, j'avais tout lu sur la technique et je voyais tous les films que je pouvais. Je pouvais passer la moitié de la nuit à regarder des films de cul embrouillés. Personne m'avait encore dit que je pouvais dire non à mon chum. Mais je voulais trouver mon point G. Pis je rêvais de me faire mettre dans le cul par mon prof d'éducation physique. Je me pratiquais à faire des pipes sur tout ce qui me tombait sous la main. J'en voulais tellement que j'effrayais les garçons de mon âge et les hommes aussi. Mais je savais pas que la virginité n'existe pas.
Moi, j'aimerais ça en parler avec ma tante Pauline et ma filleule sans que ma mère et mon frère m'accusent de ruiner Noël ou de penser juste au cul. Parce que penser au cul, c'est quand même penser. Je risque plus d'avoir une idée intelligente en pensant au cul qu'en regardant une partie de hockey ou La voix. Mais ma famille a compris que c'est dangereux de penser. On déconseille fortement ce genre d'activité aux petits et aux vieux.
Il n'y a pas d'hymen, pas de virginité. Juste un gros mensonge. Une histoire à faire peur pour que les petites filles apprenent à souffrir. C'est ça le sexe. Pour avoir du fun faut avoir mal. Devenir une femme ça fait mal. C'est juste pas vrai. Il n'y a pas de virginité, pas d'hymen, les filles ne saignent pas après leur première relation sexuelle. Celles qui saignent, c'est pas parce qu'on leur a perforé ou déchiré quelque chose, juste parce qu'elles sont pas assez mouillées et qu'elles deviennent irritées. Mais qui a déjà dit à sa gamine d'utiliser du lubrifiant la première fois? Mais non, ça se fait tout seul, c'est naturel pis ça fait mal quand tu commences, c'est normal. Fait que choisis maintenant, qui va te faire mal. Le premier. La première fois c'est tellement important. Mon cul. C'est tout le temps important. Faut tous les choisir. Surtout les occasionnels et les amants à usage unique. Et les clients. Une fille doit avoir le droit de choisir, le juge l'a dit la semaine dernière. Faut qu'elle puisse négocier avec le client et l'évaluer, raison de sécurité. C'est juste une question de bon sens.
La virginité c'est un mythe pour empêcher les filles de baiser et pour donner du pouvoir aux hommes sur elles. C'est une ceinture de chasteté dans leur cerveau. Pis les filles comme moi, elle n'y comprennent rien, à toute ces cérémonies, toutes ces peurs et tous ces tabous autour du sexe.
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