C’était nous
deux, des gaufres, dimanche, le soleil, l’odeur du café, c’était sucré et
c’était doux.
J’ai fait le café comme tu l’aimes, enfin je
crois. Je prépare les gaufres quand tu me rejoins. Tu enfiles ton chandail en
entrant dans la cuisine, j’ai vu ton ventre, ton nombril et cette petite ligne
de poils qui descend jusque dans ton pyjama. Je voudrais voir dans ton pyjama.
Mes seins se dressent, je regrette de m’être levée, je voudrais me recoucher
avec toi. T’offrir une longue fellation dominicale, lente, paresseuse, douce,
te déguster jusqu’à midi en laissant mes mains courir partout sur toi.
Tes mains sur mes hanches, tu m’embrasses le
cou, je rougis et soupire. Tes doigts fouinent sous ma camisole, se posent sur
mon ventre et tu me demandes si j’ai bien dormi. Je me retourne, tu prends mon
visage dans tes mains et tu m’embrasses. On a toute la journée devant nous,
nous ferons l’amour plus tard.
Je te tends tes gaufres, tu me prépares un café,
tu ne mets pas assez de sucre, mais je ne dis rien. Nous mangeons sans parler,
ce n’est pas nécessaire. Tu pointes l’assiette et tu agrandis les yeux, tu mets
la main sur ton coeur. Mes gaufres, tu les aimes et du coup je me sens
quelqu’un d’important. Je regarde tes mains, tu regardes mes seins, on pense à
la même chose. Que ferons-nous demain, lundi, quand tes mains seront à des
kilomètres de mes seins? Nous perdons un temps précieux alors que tes mains et
mes seins se languissent.
Tu te lèves et débarrasses la table, je me lève
et te demande ce que tu veux faire aujourd’hui. Tu me réponds que nous ferons
ce que je voudrai.
Ce que je voudrais, c’est qu’on aille prendre
une douche, je te laverai, tu me laveras. On se goûtera sous l’eau et après on
aura froid, tu me couvriras et me réchaufferas. On fera l’amour, juste une fois
et je m’endormirai paisiblement la tête sur ta poitrine. Je dormirai comme je
ne dors plus depuis des mois. Avec ton cœur battant contre mon oreille, ton
souffle sur mon front et ta main qui trace de grands cercles dans mon dos.
J’ai rêvé que nous étions dimanche, tu me
presses contre toi, le soleil chaud me brûle les paupières et ta voix, c’est
déjà dimanche. Je sais déjà dimanche, mais au moins on a dimanche!
Je n’ai pas de plan, tu n’as pas de plan, mais
on a tout à faire, t’as vu le bordel?
Notre vie est un bordel et ça nous plait, ça nous ressemble. Tu n’aimes
pas parler de ménage avant d’avoir mangé. J’ai fait des gaufres pour nous
donner du courage, mais tu n’as pas très faim, il y a des fraises et j’ai taché
la nappe de ma mère. Ça t’a fait rire, je me suis fâchée. Tu t’es excusé, ça ne
m’a pas calmée, j’ai lancé une assiette sur le mur et j’ai crié et j’ai crié.
Tu t’es enfermé dans le bureau, avec ton nouveau
jeu vidéo, j’ai pris une douche et je suis allée marcher. Un homme sur la rue m’a
demandé si j’étais heureuse et je lui ai souri, parce que j’ai tout de suite
pensé à toi. À toi qui m’attendais, à toi et à tes grands yeux qui me suivent
partout. Je me demandais si tu étais encore enfermé dans le bureau ou si tu
étais allé vacher sur le divan à te gratter les couilles devant une partie de Hockey
d’une ligue quelconque en rediffusion. Je me demandais si tu avais autant envie
que moi d’effacer ce matin et de recommencer à zéro.
J’ai rêvé que nous étions dimanche, tu me réveilles
en embrassant mes épaules et tu dis que je goûte le soleil. Tu ne veux pas de
gaufres, nous allons au restaurant et tu manges comme un ogre. Tu as faim et tu
as quelque chose en tête, tu te retiens quand tu souris, tu me prépares une surprise.
Notre serveuse habituelle n’est pas là et ça te dérange, tu me dis que la
nôtre, c’est la meilleure serveuse du coin. Tu recommandes du café, mais tu ne
le bois pas.
Alors qu’on rentre tu me proposes d’aller au
cinéma, mais on ne s’est pas entendu sur le film alors nous sommes allés au
club vidéo et on a acheté des bonbons. Tu t’es trompé, non, ce ne sont pas
ceux-là mes préférés.
J’ai rêvé que nous étions dimanche et tout
semblait si réel, le goût, les couleurs, la texture des choses. Le soleil, les
gaufres et tes yeux, particulièrement clairs et amoureux. Je sentais que tu
étais là, dans notre lit. J’ai senti ton corps chaud lové contre le mien,
j’avais une main sur ta poitrine et mon front reposait dans le creux entre tes
épaules quand j’embrassais ton dos.
J’ai rêvé que nous étions dimanche et je te
serre dans mes bras si fort que mes ongles s’enfoncent dans ta peau. Je n’ai
pas envie de cuisiner, je ne ferai pas de gaufres et si nous restions au lit
toute la journée?
J’ai rêvé que nous étions dimanche et le
téléphone…
J’ai rêvé que nous étions dimanche. J’ai brulé
les gaufres l’alarme stridente du détecteur de fumée t’a violemment tiré du
sommeil et tu as gardé un air enragé toute la matinée. Je suis allée pleurer
dans la salle de bain en récurant la baignoire.
J’ai rêvé que nous étions dimanche, je te regarde
dormir. J’effleure ta peau avec mes cheveux et mes lèvres, je t’observe jusqu’à
ce que tu t’éveilles. À ton réveil, je suis penchée sur toi et te demande si tu
as faim. Tu as pris mon sein dans ta bouche et le mâches en guise de réponse. J’essaie
de me dégager, on lutte quelques minutes puis je tombe par terre et tu as peur
que je me sois fait mal.
J’ai fait des gaufres et on a mangé en regardant
des dessins animés, tu m’as offert ta dernière bouchée. Il faisait trop froid
pour sortir, nous sommes restés ici. Tu as glissé tes doigts en moi pendant que
je terminais mon livre.
J’ai rêvé que nous étions dimanche et je ne veux
pas me lever, je ne veux pas ouvrir les yeux. Me ferais-tu des gaufres? Ça me
manque tellement. J’ai pleuré pendant des semaines quand j’ai compris que
dimanche n’existait plus. J’ai crié, j’ai frappé le mur de notre chambre jusqu’à
le défoncer, je t’ai détesté, ça n’a rien changé.
J’ai rêvé que nous étions dimanche et cette
urgence paresseuse, je t’ai dit mille fois je t’aime, ça ne suffit pas, j’ai
pris des somnifères et j’y suis retournée.
Depuis que tu n’es plus là, c’est lundi tous les
jours.
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