mercredi 27 juin 2012

Des fois tu penses à autre chose qu'aux bébés morts

On te demande d'écrire de quoi, parce que c'est ton sujet préféré. Tu le fais et tu fais bien attention parce que tu sais que c'est délicat. Tu as tendance à t'emporter et tu perds ta crédibilité quand tu t'énerves parce que vociférer avec de l'écume sur le bord de la bouche, c'est pas sexy. Et les gens qui sont allés à l'école privée ne se conduisent pas comme ça. Parce qu'ils ont tous les mots nécessaires pour s'exprimer et toi, tu n'as qu'une fraction de ce qu'ils ont mais tu es habituée d'en faire plus avec moins. C'est comme ça qu'on survit. Sauf que là, il faut ranger tes poings dans tes poches et te calmer. Tu envoies ça au patron en faisant ta prière parce que tu veux que ça marche, pas pour toi. C'est un enjeu plus grand que toi et tu t'efforces de ne pas l'oublier. Ceux et celles pour qui tu as décidé de te battre, ne te diront jamais merci, ne sauront pas que tu existes et ça te plaît. Pendant que tu fais les cent pas et ne trouves pas le sommeil, y a le patron qui retravaille ton texte, il te le renvoie et tu dis non. C'est pas possible. D'abord, on ne peut pas dire ça comme ça et puis, est-ce qu'on a envie d'avoir l'air de, non je ne pense pas. D'accord, je ne m'y connais pas, mais ça me semble évident que. Et là tu n'as pas de réponse. Tu ne dors plus, ne manges plus, tu te chicanes avec tout le monde, tu voudrais juste une fois avoir raison. Gagner. Parce que tu sais que ce que tu penses et écris est juste. Tu le relances, tu essaies d'avoir l'air décontracté, mais tu paranoïes ben raide, tu es certaine qu'ils vont te jeter. Tu ris jaune. Perdre une job bénévole, ça serait le comble, plus looser que ça tu meurs, mais c'est ton style. Tu avais trop d'ambition. Qu'est-ce que tu croyais? Qu'on te laisserait faire ce que tu veux? Belle épaisse. Pis là, on te répond. On envoie le texte à toute l'équipe, on prévient qu'on l'a retravaillé, que même la grande patronne est passée dessus. Tu fais la moue et cliques sur le lien du bout du doigt, comme si ça allait t'exploser dans la face. Tu as peur d'ouvrir le document et de constater qu'on t'a travestie, dénaturée, mais il n'en est rien. On a retenu ta version. Ton texte est reproduit presque intégralement. On a touché à quelques virgules et on a remplacé quelques mots et tu trouves que c'est franchement réussi, plus précis, parfait. Ce soir, tu vas bien dormir en écoutant en boucle Cendrillon lave le poêle par Les amis au Pakistan.

2 commentaires:

  1. Non pas cela?http://www.lapresse.ca/actualites/dossiers/conflit-etudiant/201206/27/01-4538830-la-classe-obtient-lappui-des-raeliens.php

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  2. Ha ha ha ha. Tellement drôle! :)
    Merci Éric de me faire rire.

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