dimanche 13 décembre 2015

J'ai signé cette lettre parce que je crois qu'il faut écouter les personnes concernées. Parce que je pense, contrairement à bien des féministes abolitionnistes, que la prostitution est une résultante de nos systèmes capitalistes et patriarcaux et non une cause.

Parce que c'est pas toujours clair quand on est une pute. Où ça commence, où ça finit. Si j'ai jamais échangé d'argent, mais que j'ai souvent obtenus des avantages en échangeant du sexe, qu'est-ce que les abolos prévoient pour moi? Si j'ai épousé quelqu'un qui gagne 22% de plus que moi. Si j'ai pas besoin de faire l'épicerie parce qu'on me fourni un repas. Pas besoin de voiture, il me reconduit partout où je veux, ça me permet de garder de l'argent pour aller chez la coiffeuse. Si mon chum me supporte pendant mes études, veux-tu bien me dire pourquoi je suis pas une pute comme les autres, moi? Si c'est plus facile de rentrer dans l'industrie du sexe que dans la construction, c'est vraiment en faisant pression sur les clients que ça va changer?


J'ai donc fait une petite liste de ce qui, selon mon opinion et sans analyse scientifique, aurait plus d'impact dans le quotidien de toutes les femmes que de maintenir C-36.

  • Interdire les codes vestimentaires sexistes dans les écoles.
  • Imposer des quotas d'embauche aux entreprises de plus de 10 employés.
  • Réviser le système de congé parental pour encourager les pères à prendre un congé sans priver la mère.
  • Que les employeurs soient obligés d'accorder 4 jours de congés mobiles par année.
  • Que le code du travail interdise la distinction entre employé à temps plein et à temps partiel afin de permettre à tous les employés d'une même entreprise d'accéder aux avantages et bénéfices marginaux sans égard au nombre d'heures effectuées dans une semaine.
  • Fixer le prix des produits de première nécessité.
  • Enseigner la théorie des genres.
  • Que le logement et l'alimentation deviennent des droits. 
  • Que l'urbanisme soit au service des populations; éliminer les déserts alimentaires et culturels.
  • Recréer un système de garderie universel.
  • Investir massivement en éducation.
  • Que les produits d'hygiène pour femmes et le lait maternisé soient gratuits.

Et finalement, la grande solution magique à laquelle personne n'a encore pensé :
ÉLIMINER LA PAUVRETÉ ET LES INÉGALITÉS SOCIALES, CÂLISSE! 

En attendant j'aimerais qu'on me la démontre, l'efficacité de la loi. Combien de méchants clients et proxénètes arrêtés? Combien de vies sauvées? Peut-être que vos arguments des deux côtés c'est de la marde et que la légalisation ou la criminalisation n'ont pas d'impacts positifs sur la sécurité des filles. Peut-être que l'industrie du sexe c'est un peu comme le pétrole où n'importe quoi d'autre et tous les prétextes sont bons pour monter les prix et exploiter son prochain. Peut-être que c'est pas ça la question. Peut-être que c'est juste dégueulasse de m'empêcher de survivre de la façon que j'estime appropriée dans un milieu hostile où j'ai bien peu de chance de m'en sortir autrement. Peut-être.

Quand les femmes auront accès aux mêmes privilèges que les hommes, ce que ça va changer, c'est que lorsque le temps sera venu d'échanger des rapports sexuels, là on va pouvoir négocier d'égal à égal pour de vrai. En attendant, serveuse ou pute, on est toutes pimpées et exploitées. On tient à tracer une ligne et on marginalise celles qui sont les plus pauvres, on les appelles prostituées et on leur dit que leurs amis, leurs clients et tous ceux qui facilitent leur travail sont des criminels. Personne n'est pour la traite d'êtres humains. Personne ne veut qu'on force qui que ce soit à faire ce qu'il ne veut pas. Mais si tu as déjà accepté quelque chose d'un homme, un souper, un verre, un cadeau, un lift, comment peux-tu te considérer différemment des femmes que tu victimises? C'est pas une ou deux lois qui va changer ça. C'est tout un système qu'il faut mettre à terre.



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