samedi 16 août 2014

Le problème avec Léa

Léa Clermont-Dion, quand tu dis que la vie n'est pas un film porno, je me demande sur quelle planète tu vis. Je me demande si tu as bien regardé d'où viennent tes chèques de paye. Si tu comprends ce qui se déroule à Gaza. Si tu sais vraiment ce que ça veux dire, pornographique.

Moi je te trouve, toi-même, une pas pire pornographe. Vraiment douée. C'est très cochon, vulgaire et obscène, ta façon de traiter cette fille. Je ne pense pas que tu sois jalouse, mais déconnectée, certes. Ignorante, sans aucun doute. Tu fais sûrement pas exprès de participer à la culture du viol en chiant sur les actrices pornos, qui se paient des boules, comme si elles étaient des moins que rien. Tu fais pas exprès d'être précisément celle qui la ridiculise sur la place publique. J'espère.

C'est maladroit de sa part de dire que les féministes sont jalouses. Les abolitionnistes ne sont peut-être pas jalouses, mais elles sont dangereuses parce qu'intolérantes et hypocrites. Vous vous attaquez aux symptômes sans remettre en question ce qui les cause. Vous êtes une réaction épidermique.

Mais ma pauvre Léa, tu viens de réaliser que tout est à reconstruire? Non seulement tu viens de le réaliser, mais ça te décourage tellement que tu dis à Zoé Zebra que c'est sa job à elle. Enweille fille, déniaise pis libère-nous toutes. Faut bien être privilégiée pour se permettre de juger aussi facilement. En la traitant de pauvre fille, de fille indigne, tu fais quoi? Tu essaies de l'écraser, tu veux la reprogrammer à ton goût? Tu ne peux pas, ne pas savoir à quel point ton comportement à son endroit est violent, tu es trop intelligente pour ça, Léa. Pourquoi cherches-tu à dominer cette fille? Qu'as-tu besoin de prouver?

Des fois je lis des livres. J'imagine que dans ton échelle toute personnelle de dignité ça fait de moi une pute moins pire. J'écoute les nouvelles aussi. Dis-moi Léa, dis-moi jusqu'où. Ce que je peux montrer, avec qui je peux coucher. Si je travaille pour Stéphane Laporte, c'est combien de fois mieux que Michel Brûlé? Sois plus précise, dis-moi comment je devrais m'habiller et comment j'ai le droit de gagner ma vie pour ne pas contrevenir à tes principes supposément féministes. Si c'est pour payer mes études que je suis une pute, pour faire autre chose à 30, 50, 70 ans, me pardonnes-tu? Est-ce à toi de définir si je me prostitue pour une noble cause?

J'aimerais ça qu'on parle, Léa. J'aimerais vraiment, vraiment ça comprendre comment dans ta logique à toi tu peux penser deux secondes bien faire en publiant quelque chose comme ça. J'aimerais vraiment que tu m'expliques comment infantiliser quelqu'un l'aide à "s'en sortir", puisque tu sembles croire que cette femme est prise dans l'enfer de la pornographie. Toi si pure. Toi la sainte, tu peux l'aider. Tu vas lui dire qu'elle vaut mieux que ça. Après tout, caissière chez Tim Horton, c'est pas si mal.

Si tu aimes ça réfléchir, je peux t'en suggérer plein de pistes de réflexion. As-tu déjà réfléchi au fait que c'est plus facile d'entrer dans l'industrie du sexe que col bleu à la ville de Montréal? As-tu déjà réfléchi aux garçons? Ceux qui consomment la pornographie, ceux qui la font, les vingt-cinq pénis. Ceux derrière la caméra, as-tu un message pour eux? On a juste à convaincre toutes les filles de devenir serveuses et on en aura fini avec l'exploitation sexuelle.

Tout est toujours de la faute de la fille.

Si on part de ta logique, c'est une victime et tu penses que c'est productif de t'adresser à elle comme tu le fais? Pourquoi tu t'adresses pas aux bourreaux? Si tu trouves ça dégueulasse, tu devrais peut-être en parler à ceux-là. Qui fait pitié? La fille qui fait des films de cul pour se payer des boules pour faire plus de films de cul pour vivre ou celle qui pense changer le monde avec un article dans Châtelaine?

Ma grand-mère s'est battue pour que je puisse me payer des boules de la façon qui me convienne sans avoir à craindre d'être jugée par mes pairs. Ma grand-mère s'est battue pour que je m'habille comme je veux. Ma grand-mère s'est battue et m'a montrée à me battre pour que je n'aie jamais peur dans les rues la nuit. Ma grand-mère s'est battue pour que je sois la seule à choisir ce qui entre et sort de mon vagin. Ma grand-mère ne s'est pas battue pour que tu viennes me dire quoi faire juste parce que tu as eu de la chance.

C'est pour ça que dimanche je serai du défilé de la fierté avec le contingent queer contre C-36. Parce que ma grand-mère s'est battue pour que j'aie le droit de travailler de la façon qui me plaît.


Défi du jour : Abolitionnisme

11 commentaires:

  1. Oui, effectivement. C'est n'est pas à la hache, c'est au bulldozer. Bravo!

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  2. T'auras beau ironiser, caissière chez Tim Horton c'est crissement moins pire que la bite d'un gros porc suant pas beau inconnu qui se fout de comment t'aimes ça te faire baiser. Il y a des abolitionnistes qui travaillent fort pour aider les femmes à sortir de la prostitution, pour leur bien, et même qu'elle réussissent et les femmes qu'elles aident décident de passer à la suivante. Oui il y a une différence entre la beauté et la laideur! C'est juste que des fois elles sont bien entremêlées et c'est comme ça dans la nature.

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  3. Ton blogue est vraiment cool !
    J'aime trop tes textes qui me laissent toujours avec l'impression que t'es une esti de pryée ! La meilleure littérature c'est celle qui provoque des réactions, n'importe lesquelles. Tu dois aussi te faire pas mal de fun a lire les commentaires des gens

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  4. Céline, merci, l'image est l'fun. J'étais plutôt triste en écrivant ça.


    Est-ce que c'est toi, Angélique? Si c'est toi, je comprends pas pourquoi tu te nommes pas. C'est un surnom en plus... Tant qu'à intervenir. Si c'est pas toi, ça te ressemble... Je pense que la meilleure façon d'aider quelqu'un pour son bien c'est de l'écouter et de l'accompagner. Pas essayer de lui rentrer des affaires dans tête. Ni le traiter comme un être inférieur. Lui imposer sa vue, ses expériences. Je n'oserais jamais nier ce que tu dis, ce que tu ressens, ton vécu, je te demande la même ouverture. Tout n'est pas noir ou blanc et je ne traiterai jamais une travailleuse de l'industrie du sexe de pauvre pauvre pauvre fille. Trois fois, estie, c'est de l'intimidation. Qu'est-ce qu'elle lui a fait cette fille pour être traitée comme ça? Y a des limites à écraser le monde avec sa rhétorique "pour son bien". La pitié, n'est pas un bon sentiment. La pitié vient de la personne qui la ressent, pas de celle qui la cause. Ce n'est ni à toi ni à moi de déterminer qui a ou n'a pas besoin d'aide. Ce genre d'intervention ne s'impose pas. Je crois en l'éducation. Tu peux réveiller le monde avec une claque ou une tasse de thé Rooibos provençale (Ça vient des gourmandises de Marie-Antoinette à côté du marché maisonneuve, essaye ça, c'est débile avec un macaron à la fleur de sel). Y a pas de pilule, de solution magique. Y a une chose que je sais. Pendant qu'on se tape dessus on ne tape pas sur les oppresseurs.

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    1. j'aime !... question rhétorique vous ne laissez pas votre place... cependant j'aime comment vous défendez le libre arbitre si chèrement gagné par nos grands mères...

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  5. Anonyme #2, Merci, c'est gentil. En fait je sais pas si c'est gentil c'est quoi une pryée?

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  6. C'est pas Angélique, c'est Véronique. Oui tu as raison, j'ai vraiment répondu vite et sous le coup de feu, mais en lisant le texte de Léa, j'ai compris ce que tu veux dire par "traiter en être inférieur". Je crois qu'elle (Léa) s'y prend très mal. C'est comme si elle voulait brasser la cage à la fille mais finalement elle la méprise totalement. Merci pour ta réponse, le sujet n'est facile pour personne.

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  7. Je suis d'accord avec ce que tu dis. Tu vois clair. Mais tu fais la même chose que elle en tapant sur la fille qui tape sur l'autre fille. Il faudrait avoir plus de compassion pour les deux filles.

    Il faut pas se fâcher comme ça contre une ou l'autre parce que ça perpétue le cercle de la violence. . Il faut montrer l'exemple en étant sympathique.

    J'ai bien apprécié lire ton article pour la réflection et le style.

    Le club 77 fait partis de mon secteur de patrouille et je connais bien le staff et les clients. Le club vient de changer de propriétaire et toute l'histoire du boule ô ton c'est une mascarade de publicité pour repartir l'endroit qui allait lentement.

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  8. J'avais pas l'impression / l'intention de taper sur qui que ce soit. Je pointais du doigt et réclamais une explication. Je me sentais attaquée, niée, exclue.

    Je sais pas comment faire autrement pour le dire délicatement que quelqu'un m'écrase quand son pied pèse sur ma face. Quand je souffre.

    Oui, j'ai un problème de violence. Je l'avoue. Tout à l'heure après la manif j'ai failli battre à mort le gardien de sécurité de la bibliothèque nationale parce qu'il voulait que je m'assois convenablement. J'ai de la misère quand on veut m'imposer n'importe quoi juste pour le fun de me contrôler. Faut que je me soigne.

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  9. Ça se peut que la fille concernée par le boule-o-thon soit parfaitement heureuse la dedans, et je ne crois pas que Léa Clermont dion fait quoi que ce soit de constructif en la rabaissant. Je suis tannée de voir des femmes se rabaisser au lieu de discuter, et je suis tannée que les abolitionnistes se fassent traiter de tous les noms et questionner dans leurs intentions alors que la très grande majorité de celles que je connais sont profondément humaines, touchées de près par la question et désireuses d'aider les femmes QUI LE SOUHAITE à sortir de la prostitution. Je comprends les pro tds d'avoir peur et je ne jugent pas les femmes prostituées, je l'ai moi même été longtemps, mais je comprends aussi les abolos et j'ai choisi mon camps, ça veut pas dire que je dénigre et déteste les tds, ça veut dire que je souhaite que les femmes qui n'ont pas choisies cette voie mais qui n'ont pas d'autres choix puisse en avoir d'autres. Et je le sais que c'est une lutte (l'abolition) qui contient des sous-luttes (pauvreté, violence...) mais je suis prête à les mener, comme le font activement les organismes abolitionnistes.

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  10. Merci beaucoup pour ton commentaire. Vraiment très intéressant et pertinent.

    C'est effectivement maladroit comme formulation je trouve les arguments abolitionnistes hypocrites, c'est mon point de vue. Je n'ai pas d'opinion sur chaque personne abolitionniste. Je n'avais pas envie de m'en prendre à qui que ce soit et je partage ton avis, je suis tannée. Je respecte les abolitionnistes tant qu'elles me respectent. Je suis même capable de travailler avec elles. D'être leur amie. Quand on se sert des arguments et positions abolitionnistes contre les femmes, quand on s'en prend aux femmes, ça me rend folle.

    Je suis capable de discuter, travailler et vivre avec tout le monde. Mais j'accepte pas qu'on traite personne comme ça.

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