Tu voudrais être forte comme les personnages que t'admires, ceux qui meurent dignement. Tu voudrais être belle quand tu pleures, mais t'es la plus laide au monde. Tu voudrais être zen, être drôle, en rire, mais tu te renverses ton dîner dessus et ça ne te fait pas rire. Tu t'enfarges dans les marches, plus souvent qu'avant. Tu exaspères tes collègues qui sont obligés de faire comme si c'était pas grave que tu sois tout le temps en train de pleurer. Tu sais pas si quelqu'un d'autre a remarqué tes nouveaux problèmes d'élocution. Combien de temps tu vas pouvoir encore travailler et soutenir tous ceux qui comptent sur toi? Quand est-ce que l'assurance-vie couvre le suicide? Après deux ans? Tenir le plus longtemps possible et tout faire pour pas que ça paraisse, est-ce que ça va coûter trop cher au bout de la ligne? En mois, en années, en qualité de vie, en quiétude? Quand t'es pas en état de faire des calculs, c'est quoi qui risque d'arriver.
Ariane m'a prêté une robe. Parce que même manger c'est un défi. Comment je vais vivre? Comment je vais accepter ça? Câlisse, j'aurais le droit de m'enrager un peu. Y a-tu vraiment des humains normalement constitués et moyennement intelligents qui vivent bien ça, une vie misérable comme la mienne? C'est vraiment vrai? J'aurai pas plus de chance que ça, pas plus de temps, de droits, de possibilités, de plaisir? Ça va avoir été ça ma vie? Il faut que je fasse semblant de m'en contenter pour pas avoir l'air amère. Parce que les malades, on les aime forts et dignes, pas amères.
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