Il dit que le message c'est le carré rouge.
Je voulais ajouter ça.
C'est ma cause.
L'exclusion sociale.
Je parle rien que de ça.
Je viens de le réaliser drete là, à soir. La job alimentaire, l'écriture, la politique, la même cause.
Faire des boucles, c'est ma démarche d'artiste qui se gratte le nombril en effectuant des mouvements circulaires. Toujours des cercles.
Des cercles illogiques, des cercles parfaits.
Ça s'explique.
L'Écriture le sait déjà.
La
première fois que j’ai volé un livre, j’avais treize ans. On n’était pas des
voleurs chez nous. On était cassés, c’est bien pire. Je n’ai pas fait exprès de
voler. C’est la bibliothécaire de l’école qui l’a volé pour moi. Elle m’a remis
le livre que je renouvelais toutes les deux semaines. Poésies complètes de Nelligan. Elle en avait trente exemplaires qui
ramassaient la poussière sur les étagères. « Garde-le. » Avec un clin
d’œil et un beau sourire. Je l’ai gardé. J’ai compris : prends-le. Prends les
livres dont tu as besoin. Elle avait pitié de moi. J’ai eu besoin de beaucoup
de livres dans ma vie et je ne les ai pas tous payés.
En
situation d’extrême pauvreté, ça arrive qu’on vole un peu de culture quand on
en a besoin. Télécharger de la musique. Pirater le câble. Tout ce que les
autres ont et jugent comme étant le minimum. Manger, lire le journal, aller
voir un film. Le prendre, parce que c’est nécessaire. Je n’ai jamais aimé ça.
J’ai toujours voulu m’en sortir, payer des impôts, aller au théâtre comme les riches.
Difficile
à comprendre pour les petits enculés qui sont nés dedans. Le derrière bordé de
culture. Ça semble accessible, c’est là pour tout le monde. Il suffit de
travailler. Non. C’est là rien que pour eux autres, les riches.
S'inscrire
à l’université quand tu es née aux pieds du pont Jacques-Cartier à l’heure de
pointe, ce n’est pas anodin. Ce n’est pas pour plaire à ses parents. C’est
pesé, mesuré, assumé. Ça demande certains sacrifices. Décider de se battre pour
s’en sortir, personne ne fait ça que pour essayer. Ceux qui ne réussissent pas;
meurent cassés.
S’ils
veulent me renvoyer dans la rue, il faudra qu’ils me tuent. Je ne suis pas
seule de ma trempe. Incognito, assis juste à côté des autres, nous sommes pas
mal de cassés à vouloir poursuivre des études universitaires. Nous sommes
habitués à faire plus avec moins. On n’est plus capables d’étirer l’élastique,
ça va leur péter dans la face. Nous
sommes les premiers de nos familles à accéder aux études supérieures. Nous ne
serons pas les derniers. Nous ne laisserons personne nous enlever le droit d’étudier. Nos enfants auront eux aussi la possibilité de s’instruire.
Si
on ne nous fait pas une place, il faudra tout faire sauter. Nos grand-mères ont
fini de torcher leur sperme dans les chambres de motels cheaps. Nos mères ont
assez servi de déjeuners pour dix cennes de pourboire. Nous ne serons pas
porteurs d’eau comme nos pères. Nos ancêtres étaient les esclaves de leurs
ancêtres. Je vous promets que c’est fini. Nous ne rentrerons pas à la
manufacture. Nous ne reviendrons pas en arrière. Nous sortons des pires
endroits, les bas fonds, là où ils n’élèveront jamais leurs enfants. Mieux vaut
ne pas nous pousser à bout.
Vous pouvez aussi épingler un bébé et vous en servir comme pancarte contre la hausse.
Nous vaincrons.
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