mercredi 17 décembre 2014

Journée pour mettre fin à la violence contre les travailleurSEs du sexe

On m'a demandé d'écrire quelque chose au nom de l'AQPSUD. C'était tout un défi parce qu'habituellement j'écris n'importe quoi, mais là, on me demandait d'écrire quelque chose. J'ai fait de mon mieux.


L’AQPSUD est un organisme « par et pour » regroupant des personnes utilisatrices de drogues dont certaines sont aussi travailleurSEs du sexe. Des gens rassemblés par une mission : Faire la promotion de la santé, défendre leurs droits et réclamer leur inclusion lors de la prise de décisions les concernant. Comme on dit à l’AQPSUD : « Rien à notre sujet sans nous ».

Nous croyons qu’avec la nouvelle législation, les droits des travailleurSEs du sexe sont bafoués et qu’ils et elles sont obligéEs de travailler dans des conditions où leur santé et leur sécurité sont menacées.

La nouvelle législation encadrant la prostitution met en péril la santé des travailleurSEs du sexe en criminalisant le client. Ceci a pour effet de les isoler, et de diminuer le nombre de clients achetant des services sexuels et donc, d’accentuer leur pauvreté. Une recherche menée par l’AQPSUD auprès des femmes révèle que les travailleuses du sexe sont plus susceptibles de prendre des risques pour leur santé lorsqu’elles manquent d’argent ou de drogue.

La rhétorique conservatrice qui dépeint les clients comme des agresseurs et les personnes offrant des services sexuels comme des victimes, ne fait qu’accentuer leur isolement sans tenir compte de la réalité de deux individus adultes et consentants qui négocient et échangent des services. On préfère se représenter la femme comme un objet sexuel, exploitée et démunie plutôt que comme un être entier et en pleine possession de ses moyens, fournissant des services sexuels. On évacue la réalité de leur relation avec la clientèle.

Criminaliser les clients augmente inévitablement la pression sur ceux et celles qui vendent des services sexuels. Les obligeant à se cacher, se déplacer pour protéger leurs clients. Loin de leurs repères et de leurs fournisseurs habituels, ils et elles peuvent se voir contraintEs d’accepter une quantité de drogue moindre comparativement à la valeur habituelle parce qu’ils et elles n’ont pas accès à une alternative. Ne pas faire affaire avec son fournisseur habituel augmente le risque de se voir refiler de la mauvaise drogue ou pire de faire une surdose. Des situations qui les rendent plus vulnérables aux abus.

En éloignant les gens de leurs quartiers, ils perdent leurs repères et les ressources auxquelles ils ont accès dans leur communauté; comme les services d’hébergement d’urgence, l’échange de matériel d’injection, l’aide alimentaire. Les organismes communautaires aident les personnes qui le désirent à améliorer leurs conditions de vie. Nous n’avons plus besoin de prouver leurs impacts positifs autant sur les gens qui bénéficient directement de leurs actions que sur l’ensemble de la population. Toutes les ressources doivent demeurer accessibles pour ceux et celles qui en ont besoin, dont les travailleurSEs du sexe. Autrement, le risque de contracter une ITSS, le VIH ou le VHC est accru. On pourrait retrouver plus de seringues à la traîne. Les seringues risquent d’être utilisées plusieurs fois, ce qui va à l’encontre des recommandations de la santé publique.

Désormais, on criminalise le fait de fournir de la drogue à une personne effectuant le travail du sexe. Cet article s’applique même à un colocataire ou à une personne à charge et ne vise pas nécessairement la vente, mais aussi le partage de drogue. Tout cela ne fait qu’exclure d’avantage ceux et celles qui consomment des drogues en plus d’accroître la stigmatisation dont ils et elles sont victimes en criminalisant des membres de leur entourage. Privilégier la consommation de drogues avec des gens de confiance qui sauront agir en cas d’accident ou de surdose, réduit les méfaits liés à la consommation de drogues.

Croire qu’on peut criminaliser les clients et l’entourage des travailleurSEs du sexe sans les stigmatiser est complètement absurde. Ce ne sont pas touTEs des victimes. Travailler dans l’industrie du sexe peut permettre à certainEs de reprendre le contrôle sur leur vie. Aussi, quand tu dois te cacher, il est plus difficile d’avoir une vie dite normale et d’intégrer cette société qui dépense autant de temps, d’argent et d’énergie pour t’exclure.

À l’AQPSUD, nous dénonçons la nouvelle législation fédérale qui met en péril la santé et la sécurité des personnes qui effectuent le travail du sexe et qui consomment des drogues. Nous dénonçons la stigmatisation du travail du sexe. Nous devons protéger touTEs les travailleurSEs. Nous souhaitons que nos argents et nos énergies soient employés à développer des solutions sécuritaires, durables et adaptées aux personnes directement concernées. Plutôt que la répression, nous adhérons à la philosophie de réduction des méfaits et nous croyons en l’empowerment. Il est nécessaire de soutenir les organismes qui donnent des services, ainsi que de rassembler les conditions favorables pour qu’ils et elles puissent pratiquer leur métier sans craindre pour leur sécurité et leur santé. Suspendre ses jugements moraux et ses appréhensions personnelles pour réfléchir ensemble et penser le travail du sexe autrement.



Chantal Montmorency
Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues

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