vendredi 10 octobre 2014




J’étais dans un taxi quand j’ai entendu parler de la vague d’agressions. Je me suis demandée à ce moment-là pourquoi je prenais encore le taxi? Quand je repense à toutes ces fois où je me suis faite harcelée par un chauffeur. Toutes ces fois où je suis sortie de la voiture les larmes aux yeux en me demandant pourquoi je me laissais faire. La honte. Je pourrais pas vraiment les décrire physiquement, même si je suis jamais soûle.

Dans un taxi on m’appelle, ma chérie, on commente ma tenue, on me demande mon âge, si je suis mariée. Si je fais encore l’amour avec mon mari. On me demande si j’ai des enfants. On me dit de faire des enfants. On me propose de me montrer comment. On me dit que je suis trop belle pour sortir seule. On me demande si je veux une course gratuite…

C’est comme ça que ça se passe quand je prends un taxi. Et je prends encore des taxis. Allez savoir pourquoi. J’ai bien pensé me plaindre. Un répartiteur m'a dit que c'est que vous voulez que je vous dise madame? Je voudrais entendre que c'est inacceptable. Pas que je devrais boire moins ou marcher. J'aimerais écrire une lettre aux médias, écrire au chef de police, au maire, au premier-ministre. Demander si c’est normal. Mais à quoi bon. Puisque tous pensent la même chose. Pourquoi je prends encore des taxis? Pourquoi je cours après comme ça? J’ai juste à marcher, prendre le bus, ne pas sortir. Si je prends un risque, faut que j’assume.

J’assume. Je prends le taxi et quand le chauffeur agit de façon déplacée, je me laisse faire. Pourquoi je me laisse faire. Parce que je ne peux pas appeler la police quand je ne me sens pas en sécurité. Pourquoi je me laisse faire? Parce que c’est juste un peu comme partout en société quand on est une femme on apprend à vivre en étant victime d’agressions à répétition.

Même que des fois ça prend des années à comprendre c’est quoi une agression. Et on a pas trop le choix de faire fi de, pour continuer à vivre. Pourquoi je prends des taxis? Parce que de toute façon, je ne suis en sécurité nulle part et partout où j’irai, il se trouvera toujours un trou de cul pour dire que je l’ai cherché.

Je sais pas comment sont faites ces filles qui ont dénoncé. Je ne sais pas où elles ont pris la force, le courage qu’il faut pour écrire un rapport de police, le signer. Affronter la réalité. Je les aime et les admire. J’aimerais leur faire un câlin et leur dire merci.

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