dimanche 13 octobre 2013

En ce jour de l'Action de Grâce, je suis reconnaissante même si j'ai toujours pas rencontré le gourou que je cherche depuis plus de quinze ans.

Quand j'avais quinze ans un professeur suppléant m'a parlé du tantrisme. Et du tao de l'amour, qui avait changé sa vie. J'adorais parler de sexe avec lui. André avait une formation de musicien. Il faisait beaucoup de suppléance à mon école. Il était vraiment cool, respectueux. Il me prenait pas pour une enfant. J'étais amoureuse de son ami, Olivier. Un joueur de clarinette qui faisait aussi de la suppléance. Il avait des beaux yeux bleus, des cheveux un peu dépeignés. Tout le monde savait que j'étais en amour avec Olivier. Il avait 31 ans et moi 15, rien de dramatique. Je ne voulais pas lui faire de tort alors je disais ouvertement que je n'essaierais pas de coucher avec avant d'avoir mon diplôme. Ça faisait rire tout le monde. Quand Olivier a été bumpé par un gars qui avait un peu plus d'ancienneté, j'avais le support de toute l'école pour passer au travers de ma peine. Je ne m'en faisais pas avec ça. Si la prof d'anglais retournait en désintox, Olivier était le premier qu'on appellerait. Mais je trouvais ça tellement injuste qu'on puisse pas choisir de le garder.

Je me suis mise à critiquer la CECM, son président Michel Pallascio qui voulait fermer notre école parce que pas rentable; à m'intéresser aux conditions de travail, aux closes orphelins. Quand la Marois a décidé de fusionner la commission scolaire avec la commission scolaire protestante et qu'on nous a dit que ça ne servait plus à rien de cocher enseignement religieux dans le formulaire de choix de cours pour l'an prochain, j'étais contente. Maintenant qu'on enlevait le crucifix, on allait peut-être enfin avoir des distributrices de condoms dans toutes les écoles de la ville. Je parlais pas mal de ça avec André. De ça et d'Olivier. Parce que je m'ennuyais toujours d'Olivier.

André a monté une pièce de Pierre-Yves Bernard et m'a donné le deuxième rôle pour que j'oublie Olivier. J'étais loin de l'oublier, j'écrivais un roman basé mes fantasmes. Je demandais souvent à André, comment il allait, mon beau Olivier. Je me souviendrai toujours de sa posture, de la flûte traversière dans ses mains. De son regard enveloppant quand il a dit. «Olivier part au Japon pour deux ans.» Faire de la musique au Japon. J'étais contente pour lui. C'est peut-être cette fois-là, la première fois où j'ai senti que je sortirais jamais d'ici. Que je m'intéresserais toute ma vie à des garçons trop beaux et trop grands pour moi, qui finissent tout le temps par partir.

André voulait que j'oublie Olivier, mais que je continue de rêver. Il voulait que je sois bien. Que je m'aime. Que je grandisse. André m'a dit que je devrais m'intéresser au tao de l'amour. C'était comme important pour lui que je sois exigeante avec les garçons. J'avais quinze ans ou un peu plus et je trouvais tout ça intéressant, intelligent, mais je me disais que c'était des affaires d'adultes. Que peut-être à trente ans, ça me tenterait d'essayer quelque chose du genre, mais pour l'instant, c'était trop ésotérique. Trop féministe. Trop juste. Pas assez extrême pour ma petite tête de révoltée.

De toutes façons c'est pas mal plus difficile que ça en a l'air de trouver un homme pour m'initier au sexe tantrique. Je reviens du super-marché et j'ai rien trouvé, encore une fois.

2 commentaires:

  1. Tes tranches de vie sont toujours très intéressantes ! Tu es l'une des rares personnes, semble-t-il, à comprendre ce qu'est un blogue. Régularité de l'expression et coeur sincère.

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  2. Merci!
    Dire que je trouvais ce billet trop personnel, puis je me suis dit, fuck, c'est un blog personnel, je travaille pas pour voir, moé christ! :)

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