jeudi 16 mai 2013

Moi aussi à quatorze ans je voulais être escorte

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Je suis comme à moitié en tabarnak, à moitié déçue. Triste. Les petites filles pauvres n'ont qu'à le rester.

Zahia, c'est tu sa job dans vie d'être un modèle pour les jeunes? Absolument pas. "On semble oublier qu'il s'agit au départ de prostitution mineure." Fatima trouve que Zahia n'en parle pas assez, ne le montre pas assez. C'est pas juste qu'une petite pute réussisse, ça défait l'image de la junkie qui crève d'une surdose dans la ruelle. Comment on va faire maintenant, pour convaincre les jeunes que la prosto ça va gâcher leur vie? Zahia, on veut qu'elle ait honte de ce qu'elle a fait quand elle n'était même pas une adulte. On veut qu'elle regrette, qu'elle se déteste, on veut la détruire et la reconstruire à l'image de ces féministes intégristes et hippies.

Je ne suis même pas contre ce que Fatima Aït Bounoua dénonce, l'hypersexualisation, le capitalisme, le patriarcat. Mais sa façon de le faire. Ça me fait tiquer quand on parle d'exemple pour les jeunes. Comme s'il fallait préserver à jamais les adolescents. Ils n'ont pas le droit d'être curieux. Pas le droit de grandir et d'avoir des envies, on leur dira qu'ils ont tort. Le meilleur exemple pour les jeunes, c'est celui de la réalité. Si vous n'aimez pas la société dans laquelle on vit, changez-la, mais ne faites pas semblant que ce n'est pas vrai. Ce qu'on doit se demander, c'est pourquoi les médias influencent-il autant les ados? Quelle genre d'éducation ont-ils reçue pour acheter tout ce qu'on leur montre sans analyser ni remettre quoi que ce soit en question? Sont-ils trop exposés? Qui les éduque et les éveille? Personne? C'est peut-être ça le problème.

Le problème c'est pas le documentaire, c'est pas Zahia, le problème c'est toute notre société. Zahia n'est pas coupable, elle n'est pas responsable de ce phénomène de société, elle n'en est pas non plus victime, mais un simple reflet. Un produit. Comme des milliers d'autres. Mais ça n'a rien à voir avec son passé. Pas besoin de se prostituer à quatorze ans pour devenir une vedette instantanée, La voix ou n'importe quelle autre émission du genre en fera autant. Est-ce qu'on reprochera à la concurrente d'avoir travaillé dans un centre d'achat trois ans avant l'audition?

Ce qui m'écoeure, c'est le lien qu'on fait entre ce qu'elle a déjà fait et ce qu'elle fait maintenant. On n'agirait pas comme ça avec un homme.


Quand une femme fait le travail du sexe, c'est un service qu'elle vend, pas son corps. Est-ce qu'une femme c'est juste un vagin? Et son vagin, elle le récupère après, quand ça se passe bien, elle est intacte et si elle ne l'est pas, ça n'est pas de sa faute à elle! Si une travailleuse du sexe se fait agresser ou violenter, c'est jamais justifié! Est-ce qu'une serveuse agressée par les clients l'a cherché? Est-ce qu'une infirmière mérite de se faire péter les dents par un malade? Pas plus que la pute. Des mauvais clients, il y en a au restaurant, chez la coiffeuse, dans la rue aussi.

Et quand une fille a déjà fait le travail du sexe, pourquoi est-ce qu'elle ne pourrait pas se servir de cette expérience dans ses emplois subséquents? Faudrait qu'elle le cache, le renie. C'est un travail, un métier! Pourquoi est-ce qu'on insiste et oblige les filles à se détester, à ne rien retenir de positif de leurs expériences, comme si rien de bon ne pouvait en ressortir. C'est complètement faux. Avoir fait le travail du sexe, ce n'est pas honteux. Ça fait grandir comme n'importe quelle expérience. Et puis faire le travail du sexe, sans mauvais jeux de mot, c'est pas se pogner le cul à la journée longue. C'est du travail, c'est épuisant. Ça mériterait des vacances payées, des congés fériés et des avantages sociaux comme n'importe quel emploi. Mais on ne reconnaît pas les filles comme des citoyennes et on leur refuse le droit de contribuer à la société. On les isole et si par malheur elles se font remarquer en changeant de carrière et en créant une ligne de lingerie haute couture, on les condamne.

Moi, ce qui me dégoûte le plus dans notre société, c'est cette hypocrisie.

J'ai l'intention de parler de travail du sexe à ma fille, comme de n'importe quelle réalité. Je pense que c'est un métier difficile, mais jamais je n'oserais la dénigrer si elle fait ce choix, parce que moi aussi, quand j'avais quatorze ans, je voulais être escorte.






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