mercredi 8 mai 2013

Antoine

Quand je jouais à la radio, Antoine il était gentil avec moi, il prenait le temps de me donner des trucs. Il me disait que j'étais bonne. Que mon accent, c'était juste dans ma tête, je parlais aussi bien que tout le monde. Il parlait de moi aux autres. Des fois, quand il était chez lui et qu'il m'entendait, il prenait la peine d'appeler pour dire que j'étais donc pertinente et drôle aussi. Il disait que je devrais m'organiser un mariage fétishiste et que j'enseignerai un jour à l'université. Moi je l'admirais tellement, mais ça me figeait pas, c'était facile. Avec lui c'était toujours vrai.

Là-bas en Californie, la vie est belle et douce avec une autre. Je les trouve assez bien assortis. Mais ils sont faux. Il porte une cravate comme son père. Elle s'intéresse à son salaire d'ingénieur plus qu'à ses affinités avec la littérature américaine du 19ième siècle. J'ai toujours su qu'il était destiné à cette fille blonde en bikini qui existe en cent mille exemplaires, certifiées iso 9001 toutes pareilles. Jaune numéro 6, prothèses salines et ongles en acrylique.

Il me trouvait spéciale. J'aurais aimé ça être la femme de sa vie ne serait-ce que dix minutes, juste une fois. Ne pas ressentir cette profonde tristesse, cette impuissance, l'injustice. Je savais que c'était pareil pour lui. Dans chacun de nos gestes interrompus. Dans nos regards déçus. Dans les éclats de rires échappés. La culpabilité des occasions non saisies, mêlée à l'assurance que c'aurait été inutile.

Nous sommes bien trop différents, il est né à Brossard.

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