mercredi 29 mai 2013

Pas le temps d'aller à l'urgence

En cinq jours, mon rein devrait être guéri.


J'avais de l'argent comptant cette fois.



Le caissier m'a demandé si je suis étudiante. Biensûr. Je peux voir votre carte? Ah oui, ma carte, avec mon nom dessus, le même nom que sur le livre... Christ d'épaisse.


Un homme

Mémère prenait Einstein dans ses bras quand il pleurait et lui disait qu'il était du bois pour faire un homme, mais pas un homme parce qu'il pleurait. Je n'aimais pas ça. Je lui disais qu'il avait le droit de pleurer. C'est devenu l'homme le plus braillard que je connaisse. Mon petit frère, il est proche de ses émotions.

Il va avoir vingt et un ans, mais c'est encore mon bébé. Il a pris une photo de son bail avec son téléphone cellulaire. Il a pris une photo de sa blonde. Il est heureux, mais il n'a plus une cenne.

Moi je pense que d'ici deux mois, je vais sortir de ma dépression. Ma première crise d'angoisse. Toute la dégringolade. C'est fini. Je me sens comme ma mère, libre. J'ai peur qu'elle meure maintenant.

Je vais lui donner son argent tout à l'heure. C'est une surprise. C'est pas comme si Papa était là. Papa était pas vraiment là de toutes façons. C'était la seule façon qu'il connaissait d'être là. Mais Einstein, il aimait et aime Papa d'une façon bien particulière. Il le juge pas. Il donnerait tout son héritage pour qu'il soit là. Mais je pense qu'il va être ben content de pouvoir se payer un camion.

mardi 28 mai 2013

Merci Jean-François

Quand je magasine Dan Brown et Stephen King pis que je tombe sur toi, ça veut dire que t'es internationale. Je vais repousser Millenium 3 pour toi.

lundi 27 mai 2013

Torture et masochisme #12

Un feuilleton plus captivant encore que la commission Charbonneau.

#1, #2, #3, #4, #5, #6, #7, #8, #9, #10, #11
Le souvenir

Elle vient d'avoir trente ans. Elle ne pensait pas en être là à trente ans. Elle s'attendait à pire. Il ne reviendra pas. Sa vie est ailleurs. Elle a tout ce qu'il faut pour l'oublier. De l'argent, des amants, du travail. Il est loin, si loin. Ils ne peuvent rien y faire.

Il grêle, ça pince. Elle pleut. Toute la ville déprime, tout le temps. Ça se bouscule, ça klaxonne d'impatience. C'est gris depuis des jours. Elle regrette d'avoir envoyé le courriel sans objet, sans signature, sans se relire. Juste cette phrase vomie d'un trait comme tout ce qu'elle avale depuis deux semaines. C'est une belle journée pour se faire avorter. Elle appelle son amie toutes les trois minutes, lui laisse des messages jusqu'à ce que la boîte vocale soit pleine. Elle n'a jamais été fiable. Elle en rit et achète une cigarette à un passant.

Il la trouvait cynique. Elle n'a jamais compris pourquoi.

-J'aimerais ça le garder.
-Il est encore temps.
-Non, vous comprenez pas comment je me sens.
-Ça va bien se passer, détends-toi.
-Je voudrais le conserver. Dans un pot mason.

Son seul souvenir de lui.

#13

Le septième

Il y a onze ans sur la rue Chambly ouvrait un club vidéo de répertoire. J'étais tellement contente. J'avais l'impression de vivre sur le Plateau. C'était rustique, le plancher était peint de toutes les couleurs. J'aimais écouter les conversations des employés. La légende dit que ce sont tous des ex de Vidéotron. Et le chien. Un danois si mon souvenir est bon. C'était un de mes endroits favoris de Masoch. C'était avant de déménager sur la Tario et de partager le local de l'Atomic. Avant c'était quoi déjà le magasin? Meubles Légaré, Vidéo Novatech ou un magasin de linge, je me souviens pus.

Le septième ferme. Tout sera vendu vendredi et samedi. Ça me fait de la peine.

jeudi 23 mai 2013

Le cirque d'Annie, "choix de la rédaction" du journal Métro hier.

Mon livre il est chez Archambault, quand on le demande, la vendeuse sait tout de suite de quoi on parle.

C'est un peu gênant d'acheter son livre avec sa carte de guichet que son nom est écrit dessus. Je vais payer cash à partir de maintenant.

Ce qu'on s'est dit dans ta voiture

Chaque fois que je promets d'en faire moins, une occasion se présente comme dans ta voiture la semaine dernière.

J'avais dit que c'était ma dernière année.

C'est le moment que tu as choisi pour demander si quelqu'un est intéressé.

C'était plus fort que moi.



mercredi 22 mai 2013

D'habitude le monde m'aime

C'est certainement la première fois de ma vie que je dois lire un de mes textes et que l'endroit a été vandalisé la veille par des gens qui nous ciblaient personnellement.

Ma vie s'en vient juste un peu trop excitante.

mardi 21 mai 2013

L'effet que tu me fais

Quand tu reviendras.
Je voudrais qu'on
regarde un film
japonais
ou
coréen
avec des sous-titres
anglais,
sur ton portable.
Dans ta chambre.

Leçon

À la fin Scarlett comprend qu'elle a courru après le mauvais gars toute sa vie.

Recevoir un courriel

Dedans c'est écrit:

Je pense à toi Jenny -Forest Gump

Ça fait presque exactement trois ans.

lundi 20 mai 2013

Petite christ

J'ai jamais été patiente.
Ça fait deux semaines que j'attends.
J'ai pas eu le temps de te l'annoncer,
nous ne parlons pas beaucoup.
C'est physique.
J'ai pris ton cours à la prochaine session
Deux semaines que je pense juste à ça.
L'été va être long.
J'ai ton parfum qui me suit.
Fallait que tes yeux soient bleus en plus.
Faut que je te vois avant de partir.
Tu me dis que j't'une p'tite christ.
Parce que je te saute dessus avant
d'être certaine que je puisse.
Moi, j'ai pas peur d'être prise.
Ça m'excite.
Je cogne chez toi pour faire signer ma pétition.
C'est une bonne excuse, non?
Tu n'en reviens pas.
Tu veux pas que je reste là.
On va dans ton pick-up.
C'est gigantesque, j'aime pas ça.
À quoi ça sert à Montréal.
On frenche pas.
On se dit allô.
Le cd de Caféïne, t'écoutes ça, toi!
Si tu veux pas faire ça ici, démarre.
Je la sors de ton pantalon pendant que tu
décampes vers un stationnement.
Le Dolorama, c'est la deuxième fois que
je te suce là.
Tu as l'air gêné.
Laisse-toi faire.
Je t'explique que
j'ai l'intention de te prendre au complet
dans ma bouche.
Jusque dans ma gorge. 
Laisse-moi te montrer
de quel bois
je me chauffe.
J'ose pas te demander de me fourrer
avec le manche de ta hache.
Les gars naturels comme toi, ça me rend
sauvage.
T'as un petit quelque chose de coincé.
Tu vouvoies tes grands-parents, t'es proche de ta mère.
Ta blonde c'est une hostie de conne.
T'es un peu épais toi aussi en dehors de ta matière.
Mais t'as tellement une belle grosse graine.
Rosée.
Douce.
Sucrée.
Pétillante.
Idéale pour l'apéro.
Tu m'ouvres l'appétit.
Après je vais me taper Jean-François
à l'autre bout de la ville.
Je suis pressée.
J'aime te laisser longtemps dans ma gorge
tenter de déglutir pour que tu te sentes serré,
aspiré.
T'écouter me traiter de p'tite christ.
Je resterai pas longtemps, tu vas le regarder
ton match.
Je me dépêche.
Viens sur ma robe pis je pars.
Je veux que tu viennes sur ma poitrine et sur ma robe.
Je vais prendre l'autobus après.
M'assoir derrière et me toucher en
regardant les gens dans les yeux.
Tu retiens ton souffle.
Les yeux fermés,
j'aimerais que tu me regardes
en jouissant.
Tu manques mon regard cochon,
alors que je te retiens difficilement avec ma langue. 
Tu goûtes bon, j'ai envie de te boire.
Je résiste.
Ça gicle, j'en ai partout.
Je voudrais voir tes yeux.
Tu coules entre mes seins.
Encore chaud quand je claque la porte de ton camion
sans te dire bye.

samedi 18 mai 2013

Il faut que je parte

J'aurais du me pousser plus vite.
C'est toujours comme ça quand
je reste passé le levé du soleil.
Une transformation.
Une réaction chimique dans ton coeur.
Tu deviens quelque chose de tendre.
Une fausse souplesse.
Moi je sais que tu peux pas l'assumer.
Ferme les yeux et essaie d'imaginer
de me présenter à ta mère.

Tu vois.
Tu devrais fermer ta gueule.
Après moi je pleure toute la journée.
Toute seule.
Je vais finir ma bouteille de rhum.
Après toi j'ai toujours envie
d'être fourrée tout croche par des salauds.

jeudi 16 mai 2013

Moi aussi à quatorze ans je voulais être escorte

Je viens de lire ça par

Je suis comme à moitié en tabarnak, à moitié déçue. Triste. Les petites filles pauvres n'ont qu'à le rester.

Zahia, c'est tu sa job dans vie d'être un modèle pour les jeunes? Absolument pas. "On semble oublier qu'il s'agit au départ de prostitution mineure." Fatima trouve que Zahia n'en parle pas assez, ne le montre pas assez. C'est pas juste qu'une petite pute réussisse, ça défait l'image de la junkie qui crève d'une surdose dans la ruelle. Comment on va faire maintenant, pour convaincre les jeunes que la prosto ça va gâcher leur vie? Zahia, on veut qu'elle ait honte de ce qu'elle a fait quand elle n'était même pas une adulte. On veut qu'elle regrette, qu'elle se déteste, on veut la détruire et la reconstruire à l'image de ces féministes intégristes et hippies.

Je ne suis même pas contre ce que Fatima Aït Bounoua dénonce, l'hypersexualisation, le capitalisme, le patriarcat. Mais sa façon de le faire. Ça me fait tiquer quand on parle d'exemple pour les jeunes. Comme s'il fallait préserver à jamais les adolescents. Ils n'ont pas le droit d'être curieux. Pas le droit de grandir et d'avoir des envies, on leur dira qu'ils ont tort. Le meilleur exemple pour les jeunes, c'est celui de la réalité. Si vous n'aimez pas la société dans laquelle on vit, changez-la, mais ne faites pas semblant que ce n'est pas vrai. Ce qu'on doit se demander, c'est pourquoi les médias influencent-il autant les ados? Quelle genre d'éducation ont-ils reçue pour acheter tout ce qu'on leur montre sans analyser ni remettre quoi que ce soit en question? Sont-ils trop exposés? Qui les éduque et les éveille? Personne? C'est peut-être ça le problème.

Le problème c'est pas le documentaire, c'est pas Zahia, le problème c'est toute notre société. Zahia n'est pas coupable, elle n'est pas responsable de ce phénomène de société, elle n'en est pas non plus victime, mais un simple reflet. Un produit. Comme des milliers d'autres. Mais ça n'a rien à voir avec son passé. Pas besoin de se prostituer à quatorze ans pour devenir une vedette instantanée, La voix ou n'importe quelle autre émission du genre en fera autant. Est-ce qu'on reprochera à la concurrente d'avoir travaillé dans un centre d'achat trois ans avant l'audition?

Ce qui m'écoeure, c'est le lien qu'on fait entre ce qu'elle a déjà fait et ce qu'elle fait maintenant. On n'agirait pas comme ça avec un homme.


Quand une femme fait le travail du sexe, c'est un service qu'elle vend, pas son corps. Est-ce qu'une femme c'est juste un vagin? Et son vagin, elle le récupère après, quand ça se passe bien, elle est intacte et si elle ne l'est pas, ça n'est pas de sa faute à elle! Si une travailleuse du sexe se fait agresser ou violenter, c'est jamais justifié! Est-ce qu'une serveuse agressée par les clients l'a cherché? Est-ce qu'une infirmière mérite de se faire péter les dents par un malade? Pas plus que la pute. Des mauvais clients, il y en a au restaurant, chez la coiffeuse, dans la rue aussi.

Et quand une fille a déjà fait le travail du sexe, pourquoi est-ce qu'elle ne pourrait pas se servir de cette expérience dans ses emplois subséquents? Faudrait qu'elle le cache, le renie. C'est un travail, un métier! Pourquoi est-ce qu'on insiste et oblige les filles à se détester, à ne rien retenir de positif de leurs expériences, comme si rien de bon ne pouvait en ressortir. C'est complètement faux. Avoir fait le travail du sexe, ce n'est pas honteux. Ça fait grandir comme n'importe quelle expérience. Et puis faire le travail du sexe, sans mauvais jeux de mot, c'est pas se pogner le cul à la journée longue. C'est du travail, c'est épuisant. Ça mériterait des vacances payées, des congés fériés et des avantages sociaux comme n'importe quel emploi. Mais on ne reconnaît pas les filles comme des citoyennes et on leur refuse le droit de contribuer à la société. On les isole et si par malheur elles se font remarquer en changeant de carrière et en créant une ligne de lingerie haute couture, on les condamne.

Moi, ce qui me dégoûte le plus dans notre société, c'est cette hypocrisie.

J'ai l'intention de parler de travail du sexe à ma fille, comme de n'importe quelle réalité. Je pense que c'est un métier difficile, mais jamais je n'oserais la dénigrer si elle fait ce choix, parce que moi aussi, quand j'avais quatorze ans, je voulais être escorte.






Tu me trouves crinquée. Tu sais même pas à quel point. Tu t'imagines pas comment j't'écoeurée de ton discours. Ton vocabulaire. Productivité. Économie. Ta compagnie, c'est de la marde, parce que c'est une compagnie. À partir du moment où tu t'incorpores, tu te déshumanises. Tu es au-dessus des lois. Tu t'en câlisses des lois. Qu'est-ce qu'on va te faire? Te donner une amende? C'est juste de l'argent. Tu en as de l'argent, c'est pas comme si on te demandait ce que tu as pas. Une compagnie c'est invincible, intouchable et ça pourrait même être éternelle. Comment se fait-il que tu ne sois pas en mesure de te nourrir sans le concours des entreprises? Jusqu'où irais-tu pour conserver ton emploi? Tu te prostitues huit heures par jour, c'est ça la vraie prostitution. Tu te trahis, tu vas contre tes valeurs. Tu es immoral. Tu n'oserais pas en ton nom, mais tu le fais. Tu commets des crimes, tu enfreins la loi, au nom de la compagnie. Si on te demande pourquoi tu fais tout ça, tu répondras que tu as des enfants à nourrir. Ne trouves-tu pas ça triste à mort de devoir faire tout ça pour nourrir tes enfants? Être aussi incapable de survivre par soi-même, c'est regrettable.

mercredi 15 mai 2013

mardi 14 mai 2013

Super Steph

Je te connaissais pas vraiment,
mais je me souviens de tes cris de joie
les jeudis de paye, quand je te remettais ton chèque.

Je te connaissais pas vraiment,
mais j'avais les larmes aux yeux quand tu
as traversé le corridor en criant, je l'ai la job au BC!

Je te connaissais pas vraiment,
mais tous mes collègues te connaissaient bien
tu es morte d'une overdose hier.
On réfléchit à un Québec pour tout le monde, mais est-ce qu'on veut un Masoch pour tout le monde aussi? Ou est-ce qu'on ne souhaiterait pas un Masoch inclusif? Intégrer les bourgeois et les étudiants à notre culture. Comment assimiler du monde qui ne nous regarde même pas? Les gens qui viennent ici pour dormir et prendre un café, leur montrer à vivre ici. Est-ce que c'est encore possible de travailler et vivre dans Masoch?

Le comité que je coordonne, c'est une thérapie. Christianne a fait remarquer que j'étais la seule de vieille souche, Gilbert a dit en plus, c'est la plus jeune. Je fais souvent l'exercice avec n'importe qui, dès qu'on est dans un groupe de plus de trois. Levez la main ceux qui sont nés à Montréal? Dans Masoch?

Qu'est-ce que ça signifie que je sois la seule d'icitte? Qu'est-ce que ça change?

Ça change que je vais mourir plus jeune. Ça change que j'ai plus de dettes. Ça change que j'ai grandit avec les gens les plus méprisés de notre société. Ça change que moi, je vais au dépanneur. Même si c'est trop cher, je vais au Dépanneur Kébec coin Bourbon et Adam, Zac commande des jujubes en bouteilles de coke juste pour moi. Zac a boycotté Québécor et ses publications. Je vais au dépanneur et je n'arrêterai jamais d'y aller. Même si ça fait de moi une minorité visible. La fille d'Hochelaga. Selon l'élite bourgeoise, aller au dépanneur, c'est imbécile. Le dépanneur c'est pour les perdants. Les gagnants font le tour de la ville et vont jusqu'au Dix-30 pour trouver ce qu'ils veulent. Moi, quand j'ai pus de sauce VH pour manger avec mes egg rolls congelés à 22h, je vais en chercher au dépanneur. Des piles pour mon vibrateur, du butane pour planer, des doritos que tu trempes dans des petits pots de purée aux bleuets pour bébés dans un trip de bouffe. Tu ne retrouveras pas ça ailleurs.

Y a quelque chose d'irréconciliable icitte. Deux solitudes dans Masoch. T'as ceux qui vont au dépanneur et ceux qui pensent que c'est mieux d'aller chez Costo, chez Walmart, au marché Jean-Talon,  à New-York ou n'importe où ailleurs sauf ici. Ce malaise-là, si j'étais toute seule à me l'imaginer, y aurait pas un beau smash de peinture jaune sur la façade d'Arhoma, du saucissier et des condos de la place Valois. C'est l'oeuvre de quelqu'un qui est mal à l'aise. Qui dit Heille sacremment, j'existe même si vous voulez pas me voir.

Moi aussi j'existe même si vous voulez pas me voir. Je me sens coupable parce que je vis sur la frontière. Je vais au dépanneur, mais je vais aussi à l'université. Coupable de pas être végétalienne et de pas manger bio. De ne pas avoir d'épargne. Coupable de ne ne pas planifier ma retraite. Coupable de ne pas avoir d'assurance. Coupable de ne pas savoir conduire. Coupable de ne pas avoir de baccalauréat. Coupable de ne pas condamner l'usage de drogue à des fins récréatives. Coupable d'en prendre de plus en plus. Coupable d'avoir si peu voyagé. Coupable d'être enragée. Coupable de manger des hot-dogs.

Quand on est pauvre on est tout le temps coupable. Ça nous rend laids et repoussants.

Quand je reste trop longtemps de l'autre côté j'ai peur de ne plus revenir. Et quand je reviens, je suis coupable de  réussir. Coupable de faire un peu d'argent. Coupable de savoir des tas de choses et d'essayer de les partager. Coupable de contribuer à la gentrification en dépensant 36$ chez Arhoma pour deux pains, deux cafés, un fromage et un croissant aux pistaches. Coupable d'avoir un faible pour le chocolat chaud au lait de coco gratuit de Essentiellement sol le soir du défilé du Père-Noël. Coupable de voter et de faire de la politique. Coupable d'être féministe. Coupable d'avoir une assurance maladie.

Quand on est riche, on est tout le temps coupable.

mercredi 8 mai 2013

Antoine

Quand je jouais à la radio, Antoine il était gentil avec moi, il prenait le temps de me donner des trucs. Il me disait que j'étais bonne. Que mon accent, c'était juste dans ma tête, je parlais aussi bien que tout le monde. Il parlait de moi aux autres. Des fois, quand il était chez lui et qu'il m'entendait, il prenait la peine d'appeler pour dire que j'étais donc pertinente et drôle aussi. Il disait que je devrais m'organiser un mariage fétishiste et que j'enseignerai un jour à l'université. Moi je l'admirais tellement, mais ça me figeait pas, c'était facile. Avec lui c'était toujours vrai.

Là-bas en Californie, la vie est belle et douce avec une autre. Je les trouve assez bien assortis. Mais ils sont faux. Il porte une cravate comme son père. Elle s'intéresse à son salaire d'ingénieur plus qu'à ses affinités avec la littérature américaine du 19ième siècle. J'ai toujours su qu'il était destiné à cette fille blonde en bikini qui existe en cent mille exemplaires, certifiées iso 9001 toutes pareilles. Jaune numéro 6, prothèses salines et ongles en acrylique.

Il me trouvait spéciale. J'aurais aimé ça être la femme de sa vie ne serait-ce que dix minutes, juste une fois. Ne pas ressentir cette profonde tristesse, cette impuissance, l'injustice. Je savais que c'était pareil pour lui. Dans chacun de nos gestes interrompus. Dans nos regards déçus. Dans les éclats de rires échappés. La culpabilité des occasions non saisies, mêlée à l'assurance que c'aurait été inutile.

Nous sommes bien trop différents, il est né à Brossard.

lundi 6 mai 2013

Quand tu as une amie écrivaine, que tu l'admires et que cette amie écrivaine lit ton livre et qu'elle t'écrit tout de suite après pour te dire que c'est magnifique. C'est drète dans ces situations-là que tu as l'habitude de pas y croire, de penser qu'on est gentil avec toi parce que tu fais pitié. T'es une pauvre illettrée de Masoch qui essaie de s'en sortir. On veut pas te faire de peine pour éviter que tu montes sur le toit de l'UQAM avec un AK-47 pour tirer sur tout le monde qui a pas acheté ton livre.

dimanche 5 mai 2013

S'habituer à perdre


J'ai fait un câlin à Alex et je lui ai dit : Tu es un vrai Hochelagais.


-Ah ouais qu'est-ce que ça veut dire un vrai Hochelagais?
-Chez nous on s'habitue à perdre longtemps avant d'apprendre à gagner.

Il a ri.
Mais il trouvait pas ça drôle.
J'ai pas dit que c'était drôle.
La vie est injuste.
C'est ça Hochelaga.

-Est-ce que ça veut dire qu'on va gagner la prochaine fois?
-Tu vas gagner. Ce jour-là tu l'auras pas volé.

Un jour, peut-être que je lui raconterai ma première campagne électorale.

Mes collègues politiciens, parfois, j'ai l'impression qu'ils ont pas souvent fait face à l'échec. Pas mangé beaucoup de claques. Ils ont toutes leurs dents et elles sont trop blanches.

C'est facile dire ça quand tu viens de lancer ton livre pis que t'es sur un high. Mais mon livre, personne n'en parle, personne ne l'achète, je pourrai pas publier la suite. Est-ce que je braille pour ça moi?