lundi 12 novembre 2012

Les irlandais

Les irlandais fêtaient leur vingt-cinquième anniversaire de mariage et tout le monde riait de moi quand je disais que je suis célibataire depuis deux jours. Voyons donc, tu me niaises. Vous allez passer votre vie ensemble! On dirait bien que non. Mais voyez, je souris, j'ai un nouveau meilleur ami et en plus il me paie une pension.

Liam pis moi, ça fait vingt-cinq ans. Il est venu me coller en me soufflant dans le cou.

-Ah Cannelle mon amour...

 Il s'est vraiment passé de quoi dans mon corps, dans ma tête, dans mon cœur, j'ai pus le goût de perdre mon temps avec des gars qui sont pas là pour vrai. Liam, c'est la première fois de toute ma vie qu'il ne me fait plus rien.

-Toujours amoureuse de lui?
-Non. C'est fini.

Liam se décomposait pendant que je riais. Un fou rire franc. J'étais comme fière de le mettre mal à l'aise.

-J't'un beau cave moi. De toutes les questions fallait que je choisisse celle-là.
-C'est pas grave, c'est drôle. La vie continue.

Tout le monde croit que c'est la fin du monde. C'est vrai qu'on a mis du temps nous-même à croire à la fin. Mon petit cousin m'a offert une cigarette pour me consoler. Je n'ai plus tant de peine. Je ne veux pas fumer. Je ne veux pas faire comme lui, il a recommencé à fumer. Moi, je prends des marches.

-Le jour du mariage de ta mère avec ton père, j'ai su que j'étais aux hommes.
-Ah ouin.

Parce que j'ai une mémoire phénoménale, me souviens encore du cri de ma mère. Elle était vraiment fière. J'avais quatre ans et demi quand ma tante lui a annoncé que j'allais être sa bouquetière. Elle épousait enfin son irlandais. Wow! Moi, j'étais contente et je savais même pas pourquoi. Il parlait un peu français, surtout anglais et je comprenais pas pourquoi il ne parlait pas irlandais. Me souviens encore de ma mère et ma tante qui se pognent avec le bonhomme Green de La Maison Hélène sur la Catherine pis Bourbonnière parce que la robe était pas prête. M'en souviens après on est allé chez ma tante Francine sur la rue Valois. Me souviens des rails de chemin de fer qui traversaient la Tario. Me souviens de ma mère qui cousait des rubans roses à ma robe sur un cintre, suspendu à un crochet dans la cuisine, faute de mannequin. C'est une image forte. La robe suspendue. J'ai travaillé tous mes costumes d'Halloween comme ça. Je les suspendais, les regardais, ajoutais une petite boucle ici, de la dentelle là. J'imitais ma mère.

Le grand jour. Je suis rentrée chez ma tante et il y avait plein de monde. Je ne reconnaissais personne, surtout pas ma tante avec son maquillage de sorcière et sa grande robe blanche. J'étais tellement impressionnée que je ne faisais pas le lien entre ma tante, la robe, le mariage. C'était une drôle de journée. Ce jour-là, ma vie a changé. Moi, j'étais déguisée en petite mariée, j'ai rencontré Liam, dix ans, déguisé en petit mari. Avec ses cheveux roux, son accent craquant. J'avais cinq ans, ma tante épousait un irlandais et je tombais amoureuse de son petit frère.


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