vendredi 19 octobre 2012

C'est pas une place pour élever ses enfants

J'ai passé proche de te tuer. Te défaire à coups de hache. J'en tremble encore. Je m'attendais à autre chose de toi. Tu n'es pas d'ici. Repars d'où tu viens. C'est comme si j'étais programmée pour réagir à ces mots-là. Où que je sois, dans l'autobus, au travail, à l'université, si j'entends ces mots, je sens la rage monter. Il faut que je crie. Il faut que je frappe. Il faut que quelqu'un paie. Je devrais pas me cacher pour pleurer. Tu mérites de constater tout le mal que tu fais. Avec tes mots.

Je ne veux plus t'entendre parler de problème. J'exige que tu arrêtes d'en parler comme d'un problème. Je peux t'en donner plein de mots. On va parler d'un enjeu, d'une réalité, d'un phénomène, d'une question ou d'une situation, c'tu correct? Chaque fois que tu dis problème, ça renvoie une image négative de la femme.  Tu ne peux pas dire ça. Tu ne peux pas dire que les filles font ça à cause des hommes. Tu étiquettes les hommes. C'est assez le clivage. La déconstruction des genres, tu ne penses pas que ça passe par le dépassement de cette mentalité arriérée? Les hommes ne sont pas un problème, les femmes ne sont pas un problème. C'est toi le problème. C'est nous. Le problème c'est notre façon de gérer cette réalité. Comprends-tu?

Si tu ne comprends pas tu ne changeras rien. Si tu juges, si tu condamnes, tu fais comme les autres, c'est pas original. On en a vu passer des comme toi. Est-ce que ça a amélioré les conditions de vie du monde d'après toi?  Tu viens d'arriver. Tu fais ton smatte. Moi, j'étais une fillette, ma mère militait au comité social centre-sud pendant la chasse aux sorcières. Ils ont installé des banderoles sur les rues Champlain, Lafontaine, Papineau, autour de l'école. "LA PROSTITUTION C'EST FINI, LES VOISINS SURVEILLENT."  Bord en bord de la rue. Jaune et rouge de même, ça attirait l'attention. Où est-ce qu'ils ont pris l'argent pour ça? J'ai distribué des tracts avec ces mots-là dessus. On était des petits soldats. On répendait leur propagande fièrement parce qu'on pouvait se coucher tard. On insultait les clients, les filles, tous ceux qui ne pensaient pas comme nous. Qu'elles retournent au parc Lafontaine, les putes. C'est tu assez misérable? Ça se dit impliqué. Ça se dit concerné par sa communauté. Les mères névrosées ne semblaient pas se rendre compte qu'il était bien plus traumatisant pour les ti-culs, de lire des affaires de même sur le chemin de l'école que de croiser quelques capotes, des seringues et des filles sexys.

Eh non, on n'a pas réussi à éliminer la prostitution cette année-là. Crois-tu que notre action a changé quelque chose à part rendre plus difficile le travail des filles? Penses-tu que les conditions de vie des résidents, incluant les travailleuses du sexe et les personnes utilisatrices de drogues, se sont améliorées? Tu t'imagines quand même pas être le seul Montréalais depuis les années 1860 à se demander quoi faire.

Ça fait que je te pardonne parce que c'est pas de ta faute si tu es ignorant. J'en sais quelque chose. Lis sur l'approche de réduction des méfaits pis réfléchis. Pas avec ton cœur. Avec ta tête. Avec empathie. Sans sympathie. T'es pas obligé d'être une caricature. N'est jamais trop tard pour commencer à penser. Tu veux une place agréable pour les familles? Je veux une place agréable pour TOUT LE MONDE. Pas rien que l'élite émigrante. Vous allez devoir faire des compromis si vous voulez que la cohabitation fonctionne.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire