mardi 20 avril 2010

Fermez donc vos yeules

Ça fait deux jours que j'ai le cœur gros. Deux jours que j'ai mal. Ça fait deux jours qu'on passe à répéter les mêmes choses inutiles parce qu'il ne se passe rien d'intéressant.

83% c'est tu possible? Y en a qui disent 84%. 84% Ayoye. On s'appelle, ça a pas changé hein?! C'est pire je pense. Quoi faire? Qu'est-ce qu'on peut faire?

Gang d'esties de totons, on peut commencer par en parler autrement parce que depuis deux jours, on ostracise ces pauvres ti-culs. Et moi, moi j'ai le droit d'en parler, pas vous!

Depuis deux jours, les enseignants passent des heures à réparer l'estime de soi de ces enfants en essayant de leur faire gober que ce n'est qu'un chiffre et qu'ils sont toujours maîtres de leur avenir.

"On m'a dit que je trouverais jamais de job avec un diplôme de la Polyvalente Pierre-Dupuy..." "Mon père dit que j't'aussi ben de lâcher pis de travailler." "Ça a l'air que le ministère normalise pis y baisse nos notes les esties." "Les CEGEPs voudront pas de nous autres, moi j'vas faire mon 4 pis mon 5 ailleurs!" "On est une gang de BS dans un boute de BS pis une école de BS, on devrait lâcher pis se mettre sur le BS, c'est ça que le monde veut."

Depuis deux jours dans la café à PPD, on se regarde et on s'évalue. Qui va s'en sortir? Toi? Moi? Pas toi!

Moi, Jane, Le mari, Léo, Mélo, Pete, Ren, on s'en est sortis, mes frères, Johnny, Ti-Rock, y sont restés, aujourd'hui ils travaillent très fort pour faire oublier qu'ils sont un chiffre : 84%. Et plus de dix ans plus tard, on vit encore avec ce syndrome de l'imposteur, cette impression qu'on aurait dû couler, ce mal d'être aussi peu, tellement moins, cette cicatrice qui s'ouvre à chaque nouveau palmarès de l'Actualité. Des sous citoyens d'un sous quartier empoisonné, voilà ce qu'on est. Tu viens du bas de la ville?! Ah, ok... Moi, j'élèverais pas mes enfants là. En d'autres mots : Tes parents sont des câlisses de trou de cul!

Ce qu'on oublie de dire, c'est que les enseignants de Pierre-Dupuy ne vont pas puncher tous les matins, ils ne comptent pas leurs heures. On ne parle pas de celui qui reste jusqu'à 20 hres parce que selon lui, ça prend du théâtre à PPD. On ne parle pas de celui qui paye un cornet aux élèves la dernière journée. On ne parle pas de Projet TRIP qui fait partie de la vie étudiante depuis plus de vingt ans. On ne dit pas que les étudiants de PPD sont comme une famille tissée serrée et que malgré le milieu c'est moins violent qu'une école de Laval. Il y a a PPD, une fraternité incommensurable parce que quand on coule, tout le monde écope. On ne parle pas de ce qu'il faut. À PPD, les enseignants payent de leur poche, en secret, le bus du plus pauvre le jour de la sortie au musée, parce que c'est honteux de demander un budget pour ça et la honte, les élèves de Pierre-Dupuy connaissent bien ça.

Grâce à nous tous qui en faisons un sujet d'actualité depuis deux jours, ils ont un peu plus honte d'être ce qu'ils sont, alors qu'ils n'ont pas choisi. Non, ça tout le monde le sait, on ne choisit pas PPD, ce n'est pas FACE, on ne fait pas de camping là pendant deux jours pour y inscrire son enfant. C'est pas comme on choisit la pauvreté en payant trop cher pour vivre dans le Plateau parce que c'est cool. Non, ce n'est pas comme ça. On y tombe comme on vient au monde, malgré soi, et on patauge dans la merde qu'on ne cesse de nous chier dessus, jusqu'à s'y noyer ou jusqu'à s'en sortir.

Ce qu'on fait en répétant depuis deux jours 84%, 84%, 84%, c'est de réduire à néant le travail de ceux qui y croient, ceux qui sauvent les jeunes un à la fois et n'ont pas de temps à perdre avec les statistiques du ministère. Depuis deux jours, les enseignants et le personnel de PPD, doivent justifier leur choix à leur famille, à leurs voisins, au monde entier. "Je te jure, c'est moins pire qu'à la télé."

Ah et, saviez-vous que PPD a un des plus haut taux de raccrochage???

7 commentaires:

  1. T'as raison, il faut le dire...parce que les médias/gouvernement, ils veulent pas le bon coté des choses, ils veulent le sensationnalisme.

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  3. FACE...................................................(ça me fait penser à FARCE)! Juste le nom m'énarve! Me semble de voir les élèves tirés à quatre épingles : «Vient icitte ma petite FACE de riche d'enfant d'nanane, m'a t'en crisser un dans FACE sur le côté ouest!»

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  4. Beau et poignant texte.

    C'est typique du journalisme 2.0. Dire que ces imbéciles prétendent encore qu'ils travaillent à INFORMER le peuple. Bullshit. Ils travaillent pour vendre des journaux. Car personne n'a besoin d'être informé du taux d'échec de cette école. C'est du sensationalisme de bottine. Ça ne fait qu'ajouter à la honte des enfants et des élèves qui fréquentent cet endroit.

    Voilà pourquoi je n'ai aucun respect pour les journalistes, quelle que soit leur allégeance.

    Et pour ce qui est de PPD, je trouve que ça a l'air d'une école merveilleusement humaine, et j'aurais nettement préféré y être allé que de m'être ramassé dans une grosse polyvalente aseptisée comme celle que j'ai fréquenté. C'est là-dessus que les hosties de journalistes devraient mettre l'accent.

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  5. Après le Nord, ça sera PPD. C'est décidé.

    Tu m'inspires Cannelle!

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  6. Malheureusement, la pauvreté ne se règle pas (aux yeux des gouvernement). Ça se gère.

    Triste.

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  7. @ Fumoffu : Habituellement je m'en tape, mais quand ça fait ça sur le dos des ti-culs, je deviens folle!

    @ 404 : Je ne suis pas contre FACE, c'est comme une autre dimension où je voulais me téléporter à 15 ans...

    @ Luc Pierre : C'est effectivement une école très humaine, un village en plein coeur de la ville. Un endroit où tout le monde se connaît et travaille ensemble.

    @ lebarbareerudit : Je pense que tu aimerais.

    Toi aussi, tu m'inspires pas mal...

    @ Philippe J. Fournier : Et je crois nos gouvernements incapables de régler ou même gérer la pauvreté. Contrairement à ce qu'on peut penser, ici, on n'attend pas après les gouvernements, on se débrouille...

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